Dans la maison, y'avait rien à manger.
Enrhumée, je me suis couchée vers 16h pour faire une courte sieste. Quand je me suis réveillée vers 17h, y'avait toujours rien à manger. J'ai erré dans la cuisine en me demandant quoi faire. J'ouvrais le frigo et l'observait la tête absente comme une adolescente affamée. J'ouvrais mes armoires et les refermais. Mon congélo aussi. Rien. Il n'y avait rien.
J'aurais pu me rendre au Provigo du coin acheter un poulet rôti et des tortillas. Ç'aurait fait le travail. Mais je n'avais pas envie de sortir.
J'aurais pu commander de la pizza, mais je n'avais pas envie de sortir de l'argent de mon portefeuille pour un repas cheap et mauvais. J'avais déjà sorti assez souvent mon portefeuille dans les derniers jours pour acheter des chips trop chers au dépanneur du camping. C'était assez.
"Je sais pas quoi faire pour souper" ai-je gémi à mon homme.
"Pourquoi ne ferais-tu pas une de tes excellentes salades de légumineuses comme dans le temps?" m'a-t-il lancé. "Ça, avec du pain et du fromage, ce serait parfait."
La salade de légumineuses, c'est ce qui nous avait nourris presque tous les jours pendant notre voyage en France il y a presque 15 ans. Je ne sais pas si c'est par hasard qu'il me l'a proposé, mais justement, la semaine précédente, j'avais fait tout plein de légumineuses et les avais congelés dans des sacs ziplocs. J'avais du citron, de l'huile d'olive, de l'ail, même du persil et deux oignons verts un peu secs. Et hop. Une salade de légumineuses.
Sauf que les enfants...
J'ai ouvert le frigo et j'ai trouvé 3 œufs. Dans le tiroir à patates, deux patates dont une un peu vieille, mais ça ferait. J'ai aussi trouvé deux oignons. Et hop. Une frittata.
Et si je faisais un dessert? ai-je pensé. Ça donnerait l'illusion d'un vrai souper bien élaboré. Un dessert sans œuf? J'ai ouvert mon livre de cuisine vegan et j'ai patenté une recette avec de la farine de blé, du quinoa, des amandes en poudre et des canneberges séchées. Et hop. 24 muffins aux canneberges.
Je trouvais que ça manquait un peu de frais. Dans le frigo, j'ai vu qu'il y avait une mangue pas tout à fait assez mûre, deux tomates vraiment trop mûres et pas mal abîmées par le voyage en camping et un bulbe de fenouil franchement prêt pour la poubelle. J'ai enlevé les premières feuilles du bulbe et j'ai trouvé qu'en dessous, ça allait très bien. J'ai enlevé ce qui était abîmé sur les tomates et j'ai découpé ma mangue dont la texture un peu dure était plutôt agréable contre les tomates très molles. Tchack. Tchack. Tchack. Et une salade tomates, mangue et fenouil.
Lundi, Annie, il n'y avait plus rien à manger chez moi. Alors j'ai fait ceci :

Et je te jure, c'était bon. Et je te jure, à la fin du repas, j'avais la peau du ventre tendu.
C'est fou quand même. Moi qui ai cuisiné des repas beaucoup compliqués, j'étais on ne peut plus fier de celui-ci. J'y avais mis toute mes compétences de cuisinière, toute mon ingéniosité de mère, toute mon expérience d'étudiante pauvre. Ce repas était en quelque sorte l'aboutissement de ma vie de cuisinière.
C'est ça, la cuisine familiale Annie: l'ingéniosité, la compétence, l'expérience.