Mon aîné mange moins ces jours-ci. En fait, son appétit est plus variable. Avant, il était prévisible : il dévorait le matin, mangeait bien au dîner, et le soir, ça dépendait de ce qui était servi. Autant pouvait-il avaler trois hamburgers en moins de quinze que picosser deux cuillerées de riz pendant 30 minutes.
Là, c’est plus variable. Assez imprévisible. Pas inquiétant, mais différent.
C’est que mon fils vient de commencer à prendre methylphenidate. Pour ceux qui ne savent pas, c’est un psychostimulant mieux connu sous le nom de Ritalin. Oui, mon fils a un trouble déficitaire de l’attention, un TDA pour les initiés.
J’ai longuement hésité avant d’écrire ce message. La peur d’être jugée. Ça reste tabou, le TDA. Et il y a beaucoup d’incompréhension entourant ce trouble. Même moi, jusqu’à dernièrement, je n’y croyais pas vraiment. J’avais l’impression que c’était un truc moderne de rendement, de compétitivité. Un problème de parents ne sachant pas discipliner leurs enfants. Quelque chose provoqué par une trop grande consommation de télévision et de jeux vidéo. Je crois encore que c’est un peu vrai. D’ailleurs, on sait que ce n’est pas seulement biologique, le TDA, c’est aussi une question de milieu de vie. On peut naître avec un TDA, mais on peut également en exacerber les symptômes. En fait, c’est un trouble complexe à définir et les causes ne sont pas claires. Les résultats non plus. Beaucoup de gens ayant un TDA réussissent très bien leur vie. Pour d’autres, c’est tout le contraire. Les prisons seraient pleines d’anciens enfants TDA n’ayant pas été encadrés, aimés, soutenus.
Quand j’ai commencé à soupçonner le TDA pour mon fils, je me suis tout de suite braquée contre la prise de médicaments. Parce que plus que le TDA, c'est la prise de médicaments qui est tabou. Je me disais: Pas nous. Oh non! On allait être plus forts! On a très bien réussi, d’ailleurs, à la maternelle, puis en première, puis en deuxième année. Et puis là, pouf! les échecs ont commencé à s’accumuler. Pas seulement à l’école, mais ailleurs aussi, dans beaucoup d'activités que mon garçon entreprenait. Malgré son courage, son travail, son ardeur, son enthousiasme initial. Le TDA s’infiltre partout. Parfois, pour le mieux (comme quand mon fils peut jouer pendant des heures, seul, dans la salle de jeu à s’inventer des guerres avec des engins fabriqués en Leggo), parfois pour le pire (comme quand mon fils a repris quatre fois son cours de natation de groupe parce qu’incapable de coordonner suffisamment ses mouvements pour rester la tête hors de l’eau).
« J’aimerais beaucoup mieux me concentrer, me disait mon fils, mais j’y arrive pas. Je pense toujours à mes Transformers. » Ça, ça rentre droit au coeur.
Moi, j'ai été une mère tout à fait typique. D'abord gonflée de courage, j’ai fini par dire tout ce que je m’étais juré que je ne dirais jamais : Fais un effort! Concentre-toi! C’est de la paresse! Aller! Réveille-toi! Travaille! Dépêche-toi!
Il fallait un changement de cap. On avait beau offrir le meilleur encadrement qui soit, chercher par tous les moyens à stimuler notre patience, notre amour, notre compréhension, ça n’allait plus. J’ai commencé à voir les médicaments comme un outil parmi d’autres plutôt qu’une fin en soit. Comme me l’a expliqué une pédopsychiatre, le médicament peut aider à mettre en place des stratégies, à regagner la confiance. Ce peut être une solution transitoire. Et comme me le disait une travailleuse sociale, il faut faire la différence entre prendre des médicaments pour se débarrasser d’un problème et en prendre pour aider à le solutionner.
Alors voilà. Je le dis. Sans honte mais avec un peu de crainte, tout de même. Je m'appelle Madeleine et mon merveilleux garçon a un TDA et prend du methylphenidate. Et il en prendra tant qu'il en aura besoin.
Maintenant, il va falloir revoir notre politique «
Finis ton assiette ».
***************
Pour ceux qui vivent la même chose que nous, je vous suggère fortement cette lecture d’un psychiatre américain
Delivered from distraction. Bien écrit, bien documenté, très éclairant. Et très drôle. On y apprend surtout les bons côtés du TDA. Et puis, parfois, aussi, on y apprend qu’on a nous-mêmes très probablement un TDA. Mais bon, ça dépend du lecteur!