dimanche 7 février 2010

L'éléphant et la protéine

Regardez bien cet animal.
Avec ses 4 mètres et ses 7,7 tonnes, l'éléphant d'Afrique est le plus gros mammifère terrestre. Il croit avec une diète uniquement végétarienne en dévorant en effet jusqu'à 200 kg de plantes par jour.

Cet éléphant ne vous semble pas dubitatif? Ouais. C'est parce que lorsque le photographe l'a croqué, il était en train de se demander:
- Avec ce que j'ai mangé aujourd'hui, aie-je une protéine complète?
Non. Bien sûr que ce n'est pas ce à quoi il pense. Plus futé que nous, le pachyderme sait bien que cette histoire de protéine complète est en fait un mythe qui, bien que n'ayant aucune base scientifique, perdure.

Depuis que nous en sommes à quatre repas végétariens par semaine, cette question de protéine complète commençait à me tarabuster. Vingt ans de métier ne sont pas sans laisser de traces, il fallait que je remonte aux sources.

Dans son livre La Grande cuisine végétarienne, Vicky Chelf Hudon nous informe de la complémentarité des protéines.
Tous les aliments classés dans le groupe viande et produits laitiers constituent une source de protéines complètes, c'est-à-dire qu'ils contiennent les huit acides aminés essentiels. Les aliments des autres groupes contiennent des protéines incomplètes, donc déficientes en ce qui regarde certains acides aminés. Pour obtenir des protéines complètes, on doit donc combiner dans le même repas des aliments appartenant à deux groupes différents.
Ce principe de la complémentarité des protéines est d'abord exposé par Frances Moore Lappé, dans un bestseller publié en 1971, Diet for a Small Planet. Or, Frances Moore Lappé n'était ni nutritionniste, ni médecin. Ses observations se basaient plutôt sur des recherches du XIXe siècle. Malgré tout, le National Research Council et l'American Dietetic Association endossent son point de vue en affirmant à leur tour que les protéines végétales seraient inférieurs et auraient besoin d'être combinées.

L'American Dietetic Association entreprend des recherches et fini par rapidement abandonner la prise de position initiale.
Vernon Young and Peter Pellet published their paper that became the definitive contemporary guide to protein metabolism in humans. And it also confirmed that complementing proteins at meals was totally unecessary.
- Susan Havala Hobbs, Ph.D, R.D, American Dietetic Association
De son côté, en 1981, dans une réédition de son livre, Moore Lappé admet son erreur avec grâce en écrivant:
En voulant défaire un mythe (celui de l'impossibilité d'éliminer la faim dans le monde), j'en ai créé un autre - celui de la complémentarité des protéines.
Plusieurs autres suivent la voie:
It was once thought that various plant foods had to be eaten together to get their full protein value, otherwise known as protein combining or protein complementing. Intentional combining is not necessary to obtain all of the essential amino acids.

Malgré tout, près de 30 ans plus tard, le mythe tient bon!

  • L'American Heart Association continue d'avancer que les protéines végétales sont incomplètes (ou moment où la consommation de viande est liée à une augmentation des maladies coronariennes);
  • Le prestigieux Harvard School of Public Health affirme que les fruits et légumes sont plus propices à contenir des protéines incomplètes;
Certains mythes ont la vie dure, très dure. Même si le chercheur sur lequel l'American Heart Association s'appuie pour défendre sa position affirme:
Contrary to general opinion, the distinction between dietary protein sources in terms of the nutritional superiority of animal over plant proteins is much more difficult to demonstrate and less relevant in human nutrition.
- Millward DJ
Rien n'y fait, l'Association persiste et signe: les protéines végétales sont incomplètes.

Là bas dans la savane, l'éléphant n'en a rien à foutre de ces débats d'experts. Il sait bien lui qu'il atteint ses 7 tonnes et demi seulement en se nourrissant jour après jour des mêmes plantes. D'ailleurs, si vous le croisez, il pourrait fort bien vous citer ce qu'il a lu dans Veganomicon.
Next time people ask you the million-dollar question, "But where do you get your protein?" ask them wich essential amino acid they are the most concerned about.
Comme on dit, ça ne trompe pas.

3 commentaires:

Manon a dit…

C'est bien de fouiller la question.

Mais moi je me dis, tant qu'à avoir de la variété, mangeons de tout, des végétaux et de la viande. Je me fous pas mal de où elles vont provenir les protéines ;)

En fait chez nous, depuis que nous avons considérablement augmenté la variété d'aliment la quantité de viande a diminué drastiquement.

Ça ressemble peut-être pas à ça avec toutes mes conserves de viande que je fais actuellement, mais ces bocaux me servent pour une très longue période et sont généralement accompagnés de plusieurs fruits et légumes ;)

Anonyme a dit…

"enquête de fond, on tue la une, révélations, scandale".... Tes libelles m'ont bien faites rire !!

Et vlan dans les dents le mythe.

Annie a dit…

Anonyme: Heureuse de voir que mon fin humour est apprécié.

Manon: Le problème étant que la question des protéines revient souvent dans la littérature sur le végétarisme. Et tant que certains font le choix légitime de ne plus manger de viande, c'est sûr que oui, c'est bien de fouiller la question!