Le matin, lorsque je sors accrocher du linge sur la corde, je vois madame J., en robe de nuit, là-haut, sur son balcon.
Ça va sécher! qu’elle me crie.
Oui, enfin! que je lui réponds aussi fort que possible. Elle me fait un petit signe de tête et un grand sourire. Je sais qu’elle n’a pas entendu. C’est que madame J. a 89 ans, bien sonnés.
Voulez-vous des pots de confiture? me demande-t-elle.-
Je lui fais un signe évident de la tête et la voit disparaître dans sa maison.
Quelques minutes plus tard, elle apparaît de nouveau, à la clôture cette fois, en habits de ville et portant un sac dans lequel se trouvent quelques pots de confiture. C’est que madame J. elle fait ça, de la confiture. Tous les jours, de la confiture. Et quand elle ne fait pas de confiture, elle voyage d’épicerie en épicerie en quête de bonnes aubaines.
Quand j’ai vu qu’il faisait beau, je me suis dit : « C’est certain que madame va laver. » alors j’ai attendu de vous voir sur votre balcon.
Merci beaucoup, madame J., c’est les enfants et mon mari qui seront contents.
Vous savez, le plaisir d’en donner, c’est le plaisir d’en refaire, me dit-elle en me tendant mes pots. À mon âge, il faut bien que je m’occupe.
Avant de remonter, nous discutons un peu. De mes quatre enfants qui grandissent, des quatre siens qu’elle a élevés à une toute autre époque. De la pluie, du beau temps. Des bons fruits à bon prix. Puis elle me salue et repart. Chaque fois, dans mon sac, c’est la surprise. À la fraise. À la framboise. À la pêche. À l’abricot. À la nectarine. Mais toujours si bon.
En tout cas, je veux bien tenter le coup. Surtout si ça demande de manger de la confiture tous les jours.