lundi 23 mai 2011

Les voisins et l'idée de Dieu










- Ma mère veut savoir si vous êtes des chrétiens pratiquants, m'a lancé le petit G., notre voisin d'en face et meilleur ami des gars.

- On est des athées, a répondu du tac au tac mon fils, le grand.

- Euh, bon. Disons qu'on est des chrétiens non pratiquants. En fait, on était des chrétiens. Mais là non. On n'est pas autre chose non plus. Sauf qu'on ne pratique vraiment pas mais... (et j'ai arrêté parce que je me faisais penser à Élvis Gratton. Un Québécois-franco-canado-américain-du-nord)


G. et sa famille sont arrivés dans le quartier l'été dernier. Ils viennent du Liban. Ils sont au Québec depuis 2 ans. Le père est ingénieur en télécommunications mais il travaille comme représentant pour une grosse entreprise alimentaire. La mère est à la maison et s'occupe de ses trois enfants.

Vendredi, G. arrive à la course chez nous.

- Dimanche, je fais ma première communion. Mon père vous invite pour le gâteau. À 19h00!


À ma première communion, j'avais une robe blanche faite par ma mère avec un petit imprimé de fleurs violettes. Des barrettes mauves en forme de papillon. Mes parents n'étaient pas pratiquants. Comme la plupart des boomers, à l'âge adulte, ils ont mis la religion de côté, mais pas tous les rites. J'ai donc fait ma première communion parce que c'était comme ça, tout le monde la faisait.

Hier à 19h00, nous avons traversé la rue avec une carte et un petit cadeau pour G. C'était la première fois que j'entrais dans l'appartement en face de chez nous. Il y avait une vingtaine de personnes, toutes de la même Église maronite, rassemblées pour souligner la première communion de G., tout gommé et chic dans son habit argenté un peu trop grand.

Le père de G. nous a accueilli avec un grand sourire, des noix et du vin. Sa mère est arrivée avec un gâteau immense. Deux étages, blanc avec des fleurs en sucre bleues et blanches, orné d'une croix et d'un petit garçon qui prie. Albert avait les yeux comme ça, je te dis pas. Ensuite, ils ont chanté "félicitations". Les enfants ont mangé leur part et encore leur part. Il y a eu des cadeaux pieux et finalement nous les adultes, on a parlé. Du Liban, de la vie d'immigrants, du Québec. Ça parlait arabe, français et anglais. Douce soirée de printemps dans un quartier de Montréal.

Plus tard, de retour à la maison, mon chum couchait notre fille et j'étais au lit à lire. De l'autre côté du mur, la voix sérieuse de mon fils aîné:

- Maman, j'ai une question...


Je lui ai fait une place dans mon lit. Il était suivi de ses frères, deux petites souris qui se sont installées à nos pieds.

- Comment ça se passe, une première communion?


Alors j'ai expliqué. La mort de Jésus. Le dernier repas. Ceci est mon sang. Les sacrements, l'hostie, le calice, le tabernacle.

Écroulement général de rires.

Le corps du Christ.

Le Québec a changé Madeleine. La vie de mes enfants, déjà tellement différente de celle que j'avais à leur âge. C'est ce que nous avons choisi. Mes fils ne porteront jamais d'habit argenté et ma fille de robe de dentelle blanche. Ils ne savent pas ce qu'est un chapelet et confondent pape et curé.

Par contre, ils traversent sans problème la rue pour partager le gâteau de première communion de leur meilleur ami qui vient du Liban.

Amen.

5 commentaires:

Sophie Legendre a dit…

...par contre, ils traversent sans problème la rue pour partager le gâteau de première communion de leur meilleur ami qui vient du Liban.

Oh que c'est joli et bien dit. En effet, nos enfans grandissent avec beaucoup des valeurs de base de la religion dans laquelle nous avons grandi mais sans les contraintes qui viennent avec.

Par contre, comme le faisait remarquer un ami il n'y a pas longtemps à voir le nombre de graduation de maternelle et de primaire grandir, peut-être que e besoin de "rites de passage" demeure. Ma Grande qui ne porte jamais de jupe est toute excitée à l'idée de son bal de graduation, qui arrive à peu près au même âge où moi j'ai fait ma confirmation.

Célia a dit…

Si c'est vrai, que nous éduquons actuellement une génération bien plus ouverte que les précédentes, alors je me couche avec l'espoir que le monde ira mieux grâce à eux, nos enfants.

Manon a dit…

"...par contre, ils traversent sans problème la rue pour partager le gâteau de première communion de leur meilleur ami qui vient du Liban."

J'adore cette fin moi aussi :)

et je crois qu'il est bien "d'expliquer" aux enfants "la religion" lorsqu'il posent des question. Chez nous c'est avec la grosse bâtisse avec un gros clocher très haut que vienne les questions!

Annie a dit…

Il n'y a aucune nostalgie dans ce billet. Aucun regret d'un temps passé.

J'ai été surprise par la rapidité avec laquelle mon fils a répondu à son ami.

Mon petit garçon sans religion affirme son identité et s'approprie des valeurs universelles de fraternité, de partage, d'amour de l'autre peu importe sa provenance et ses croyances.

L'absence d'une religion qui a si longtemps défini le Québec ne fait pas pour autant de lui quelqu'un qui ignore qu'il vient de cette histoire et de cette terre qui est la nôtre.

J'ai compris des tas de choses à travers sa réponse. Sur mes valeurs, sur celles que nous transmettons à nos enfants sans même nous en rendre compte. Sur l'essentiel mission d'être émerveillés par ce qu'ils deviennent.

La preuve, s'il en faut une, que dans la vie d'une famille, ce sont souvent les parents qui apprennent de leurs enfants plutôt que l'inverse.

Fleurbleueisa a dit…

Ces valeurs transcendent effectivement la religion. Nous sommes nombreuses à avoir été élevées dans cette culture catholico-chrétienne québécoise, et ne plus pratiquer aujourd'hui (ou en fait, n'avoir jamais pratiqué !) Pourtant, il est bien vrai que cette culture a imprégné nos façons de voir le monde. Ce qui est important c'est que tu reconnaisses tes valeurs à travers les paroles de ton fils.