vendredi 23 décembre 2011

Comment garder sa maison propre dans le temps des fêtes

Vous aimez le temps des fêtes, mais vous craignez que ces deux semaines de magie de Noël et d'enfants en congé transforment votre maison en soue à cochon?

Maman j'ai faim inc. a la solution pour vous! En neuf étapes faciles, assurez-vous d'un temps des fêtes ordonné. Succès garanti! Il suffit d'appliquer notre méthode testée et éprouvée!

  1. Envoyez une lettre et un pot-de-vin à la Commission scolaire de l'Île de Montréal pour les remercier de garder vos enfants jusqu'à la dernière seconde et pour les inciter à faire de même l'année prochaine.
  2. Demandez à votre femme de ménage si elle pourrait passer le 23 décembre.
  3. Pendant que votre femme de ménage nettoie le rez-de-chaussée, passez au sous-sol avec des sacs Glad. Remplissez vos sacs de tous les jouets qui traînent et enfermez-les dans une pièce isolée, idéalement à l'abri des inondations (enfin, c'est selon). Remarque : Il est préférable d'exécuter cette étape pendant que votre homme sera parti à la dernière minute acheter votre cadeau de Noël.
  4. Une fois cette étape effectuée, mettez un peu de vêtements dans des sacs et mettez les dits sacs dans la voiture, en n'oubliant surtout pas d'y cacher aussi les cadeaux des enfants que vous aurez emballés la veille.
  5. Payez généreusement votre femme de ménage et remerciez-la infiniment de contribuer de façon aussi importante à votre santé mentale. Si nécessaire, transférez-lui le pot-de-vin remis à la CSDM pour assurer ses services pour l'année qui vient.
  6. VOICI L'ÉTAPE LA PLUS IMPORTANTE : Passez chercher vos enfants directement à l'école. SURTOUT, ne les laissez pas passer le pas de la porte!
  7. Roulez sur l'autoroute jusqu'à ce que vous arriviez dans un chalet, un condo sur la montagne, ou chez un ami ou un membre de votre famille, de préférence quelqu'un qui vous aime d'un amour inconditionnel. Sonnez à la porte et chantonnez Joyeux Noël avant de laisser les enfants s'engouffrez dans la demeure de vos otag... heu... de vos hôtes.
  8. Soyez heureux, faites la grasse matinée, allez jouer dehors, buvez, mangez, écoutez des films... et ayez une pensée sereine pour votre maison chérie qui vit en paix et qui vous attend toute propre pour le retour.
  9. IDÉALEMENT : Ne revenez chez vous que le dimanche précédent le retour en classe.
N'attendez plus! Appliquez la méthode infaillible Maman j'ai faim inc. et profitez d'une maison propre ce Noël! Succès garanti ou argent remis.

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Tu restes dans ta nouvelle maison, toi, Annie, pendant le temps des fêtes? Mais j'imagine que, quand vous avez fait les rénos, vous avez prévu installer le système Automatic Clean House 2012? Han? Non? Bon ben... Ce sera pour les prochaines rénos, n'est-ce pas?

Allez! On se revoit de l'autre bord.

Joyeux Noël à tous!

jeudi 22 décembre 2011

Ragoût de boulettes nouveau genre

Depuis quelques années, je fais une recette de boulettes au tofu que je sers avec de la sauce à spag. Cette semaine, j'ai eu envie de faire ces boulettes, mais à la façon ragoût traditionnel québécois. Eh bin, ça marche!

(Pour une famille de 6)

Pour les boulettes
1 bloc de tofu ferme
1/2 tasse de farine de blé entier
2 c. à soupe de tamari ou sauce soya
1 t de tahini ou autre beurre de noix
1/2 oignon finement haché
1/4 de c. à thé de clou de girofle
1/4 de c. à thé de canelle
1/4 de c. à thé de piment de la Jamaïque
1/2 c. à thé de moutarde sèche
2 c. à table d'huile d'olive
poivre

assez de farine pour enrober les boulettes
huile d'arachide pour la friture

Pour la sauce
3 tasses d'eau
2 cubes de bouillon
2 ou 3 c. à table de beurre
2 ou 3 c. à table de farine grillé
Fécule de maïs pour épaissir au goût
Un soupçon de canelle et clou de girofle, au goût
Sel et poivre

Boulettes
Pulser le tofu au robot culinaire et verser dans un cul de poule. Ajouter les autres ingrédients et bien incorporer à la fourchette. Ajouter de la farine ou de l'huile (ou beurre de sésame ou un peu de bouillon) selon que le mélange soit trop liquide ou trop sec. Lorsque le mélange est bien homogène, former des boulettes de la grosseur d'une noix de grenoble et les rouler dans la farine.

Dans un peu d'huile d'arachide, faire frire les boulettes de chaque côté jusqu'à ce qu'elles soient bien dorées. Réserver.

Sauce
Dans un petit bol, bien mélanger la farine grillée et le beurre température pièce. Mesurer 3 tasses d'eau et y faire dissoudre le bouillon (j'ai pris du bouillon de boeuf, mais si on est à cheval sur les principes, prendre du bouillon de légumes).

Dans une grande casserole, mener le mélange d'eau et bouillon à ébulition. Y incorporer au fouet le beurre manié et ajouter les épices. Saler et poivrer au goût. Si la sauce n'est pas assez épaisse, diluer 2 c. à soupe de fécule de maïs dans un peu d'eau froide et incorporer au fouet à la sauce qui bouillonne.

Ajouter les boulettes à la sauce et laisser doucement mijoter pour réchauffer.

Servir avec des pommes de terre vapeur, des haricots verts et une belle salade.

vendredi 16 décembre 2011

La nouvelle table en cadeau

Suite à notre mésaventure, on ne pouvait pas rester longtemps avec un contreplaqué en guise de table de cuisine...

J'ai la grande chance d'avoir un oncle qui est ébéniste. En plus il a beaucoup de talent. Mon père lui a demandé d'imaginer quelque chose et ça donne ça:

Il est parti de la structure existante et a créé le dessus. C'est magnifique.

Je suis très contente que notre vitre se soit brisée finalement.

mercredi 14 décembre 2011

À la recherche de l'allergie perdue

Voici ce qui trône sur mon comptoir de cuisine bleu ces jours-ci:


Pas un beau mélangeur Cuisinart en stainless. Pas un nouveau toasteur. Non. Des médicaments. C'est rendu que je ne cuisine quasiment plus: je distribue des médocs.

Cet automne, en plus de ma sinusite/otite, on s'est rendu compte que notre petit Chichou avait vraiment trop souvent le nez bouché. On n'arrivait rien avec les traitements à l'eau saline et surtout, on remarquait de plus en plus que ça l'incommodait vraiment. Il prend donc maintenant du nasonex. En plus, comme son menton était à vif à cause de son exzéma malgré nos soins assidus (tellement à vif petit coeur que je commençais à avoir peur que la directrice me convoque pour maltraitance) on a dû commencer à lui appliquer une nouvelle crème spéciale que-ça-prend-un-billet-d'exception-du-médecin pour qu'on nous la rembourse.

Moi aussi, je prends maintenant du nasonex pour traiter ma sinusite chronique. Ça s'est sans compter les 4 traitements d'antibiothérapie de l'automne et mes pompes pour l'asthme. Parlant de pompes, justement, y'a mon Victor qui en a une, mais aussi mon petit Popold. En plus, ben, y'a l'adderall dont j'ai déjà osé parler.

Ah oui! Et puis, cet automne, j'en ai deux qui ont eu la scarlatine. Ils ont donc eu droit eux aussi à un traitement d'antibiotiques. Et le summum, c'est quand je me suis levée un matin et que j'ai trouvé mon bébé ayant l'air de ceci:

Il ne me restait même plus de compassion avec l'automne qu'on a eu. J'ai juste dit : Tabarnak! Je l'ai redit après, quand j'ai su qu'il faisait possiblement une allergie à l'amoxicilline. Pour Noël, dans ses cadeaux, il aura donc droit à un beau petit bracelet Medicalert jusqu'à ce qu'on confirme le diagnostic par un test d'allergie à la pénicilline (ce qui prendra trois ans à en croire le gentil médecin de Sainte-Justine).

Je vis donc maintenant dans une famille qui a besoin d'une valise grosse comme ça pour transporter ses médicaments en voyage. Grand dieu. Je ne pensais jamais que ça m'arriverait, moi oh grande antihypocondriaque devant l'éternel.

Après ma xième visite à la pharmacie, j'ai commencé à me demander s'il n'y avait pas une autre solution. Mais surtout à me demander s'il n'y avait pas un lien entre tous ses symptômes. Sommes-nous simplement une famille d'hyperactif du système immunitaire? Y'a-t-il autre chose à faire que d'avaler des pilules? Y a-t-il un lien à établir entre les symptômes physiologiques et les problèmes d'hyperactivité/déficit d'attention dont plusieurs souffrent dans notre famille?

Croyez-moi bien: je n'ai rien contre la pharmacologie! Je suis bien contente de vivre à une époque où les médicaments permettent de sauver des vies et d'améliorer considérablement la qualité de vie de milliards de personnes. Mais si une autre solution existait pour nos problèmes chroniques? Je m'en voudrais de ne pas avoir fouillé un peu.

Je prends donc une résolution un peu d'avance cette année. Je me donne pour objectif de fouiller cette question, sans stress et sans avoir pour objectif de passer résolument à un traitement naturel. Je veux simplement en avoir le coeur net.

Et en attendant : merci assurance-médicaments d'exister...

lundi 12 décembre 2011

La guignolée d'Albert

Chaque décembre depuis qu'il va à l'école, Ulysse voit toujours venir la guignolée avec beaucoup d'émotions. C'est un événement qui le touche profondément et il met énormément de soin à choisir ce qu'il va offrir aux familles dans le besoin.

La guignolée donne toujours lieu à de longues discussions. Cette année plus encore puisque c'était la première guignolée scolaire d'Albert, initié au concept par ses deux grands frères...
- Je me demande, nous dit Ulysse alors que je les reconduisais à l'école, si je vais donner de la nourriture pour bébé ou un sac de couscous...

- C't'année en tout cas, moi je donne du ketchup, lance avec assurance Éloi.

- Éloi! Franchement du ketchup... C'est pas vraiment un produit intéressant, que je lui dis, découragée. Tsé pour la guignolée, pense à quelque chose de plus... comment je pourrais te dire... un petit luxe là, quelque chose que toi tu aimerais recevoir.

- Bin, justement, c'est du luxe! Tu nous dis toujours de pas en mettre trop de ketchup!

- ...

- Moi, dis alors Albert silencieux jusque là, pour la guignolée, je veux donner un chaton.

- Albert COME ON, un chaton, c'est PÉRISSABLE! le rabroue Éloi sans appel.
Finalement, Ulysse a choisi des petits pots pour bébé. J'ai accepté qu'Éloi offre du ketchup, mais le compromis, ça été un ketchup aux fruits, de luxe. Et pour Albert en fin de compte, son choix s'est posé sur un sac plein de petits chocolats suisses de fantaisie. On a ajouté des bouteilles de bon jus à tout ça.

Alors ce matin, ils sont partis tous les trois fièrement avec leurs sacs d'épicerie remplis de ces denrées non-périssables.

Ils étaient déjà à la maison cet après-midi lorsque je suis revenue de faire l'épicerie. J'avais à peine un pied dans le portique que s'élance vers moi un Ulysse passablement troublé...
- Maman!!! C'est parce qu'Albert a mangé sa guignolée!
Hep.

Je m'avance vivement dans la cuisine pour découvrir mon chum qui lui débarbouillait le bec tout chocolaté...
- ALBERT! Mais qu'est-ce que t'as fait là... C'était pour les familles qui en avaient besoin!
Son petit bec s'est mis à trembler et ses yeux noirs sont devenus encore plus grands... Mon irritation est tombée tout d'un coup, mais j'ai dû lui tourner le dos très vite pour ne pas qu'il me voit me mordre les joues pour empêcher une furieuse envie de m'écrouler de rire.

Cou'donc. Heureusement que ce n'était pas un chaton finalement, hein.

dimanche 11 décembre 2011

Gastronomie (végétalienne)

J'ai mis des paranthèses à mon titre parce que ce qui est important, ce n'est pas que mon repas d'hier était végétalien, c'est que c'était bon.
On s'identifie plus qu'on ne le pense à sa culture alimentaire, mais également à son confort alimentaire. S'ouvrir et plonger vers d'autres goûts demandent un certain effort. Peut-être parce qu'on aborde trop la nourriture en silos? Aborder ce que l'on mange de façon rigoriste ne m'intéresse pas. So what si je mets un bouillon de volaille dans mon seitan ou du tofu dans ma sauce bolognaise?

Ainsi, pourquoi déclamer à mes enfants "ce soir on mange végétalien"? En présentant un repas à base de plantes comme tous les autres repas qu'ils mangent, je crois que le repas à base de plante devient un repas comme tous les autres, dans la normalité de tout ce fait partie des saveurs de leur culture.

Ainsi hier, on a dégusté un rôti de seitan farci. Une recette tout-à-fait dans la tradition nord américaine. Je l'ai servi avec une sauce à la moutarde, une purée de pommes de terre à l'ail, des choux de Bruxelles grillés et des carottes à l'érable (sans oublier la gelée de canneberges). La recette vient de chez PostPunk Kitchen (et ses photos sont pas mal plus belles que les miennes). Les étapes de la confection ont été photographiées ici avec de belles photos du service aussi. Je n'ai pas fait la farce aux poireaux d'Isa, mais plutôt une farce débile mentale aux champignons et riz sauvage (avec pacanes et canneberges séchées).

Le rôti est un charme à faire et à rouler. Le truc pour des tranches vraiment juteuses est d'utiliser beaucoup de bouillon pour arroser le rôti avant la cuisson et avant le service. J'aurais pu en mettre plus, les côtés étaient un tout petit peu secs... Par contre, peut-être que j'aurais du mettre un peu moins de levure alimentaire. Je ne raffole pas du petit goût qu'elle donne, faudrait que je pense à la remplacer avec autre chose...

Autrement, c'était samedi soir et nous avons soupé comme des rois!

jeudi 8 décembre 2011

Tu viens souper? -- Ajout

Je ne sais pas si tu le savais, Annie, mais nos hommes soupent ensemble ce soir. Chez vous. Avec tous les enfants.

Paraît qu'on est invitées. En tout cas, moi, je le suis. Et toi? On pourrait peut-être y aller ensemble, après notre réunion?

Quand mon homme m'a dit ça, qu'il allait souper avec son chum et tous les enfants, ça m'a follement donné envie de l'embrasser. "T'es cute!" lui ai-je dit en écrasant mes lèvres contre les siennes.

Je pense qu'il n'y a rien de plus vachement sexy qu'un homme qui prend soin de ses enfants. Ou qui fait la vaisselle. Ou qui passe la balayeuse, tiens.

Mon homme commence à bien le comprendre, d'ailleurs. Rien de mieux pour séduire sa femme que de vider le lave-vaisselle ou faire le lit... tsé... pour mieux le défaire.

Le problème avec ça, c'est que c'est au moment où tu les trouves le plus vachement sexy qu'il y a deux ou trois témoins autour.

Mais bon... Qu'est-ce que tu veux. C'est pas comme la vaisselle ou le lavage, han? Y'a certaines choses qui peuvent toujours attendre.


Annie ajoute_

Il devait être 18:20 quand on s'est présentées à la maison après une journée de dur labeur. On a sonné, comme des bonnes invitées. Ils nous ont répondu et c'était très drôle.

Ils étaient affairés en tout cas, un peu plus et ils avaient tous les deux un tablier. Le souper des enfants était prêt (bon, même si y'avait du fromage Velveeta et pas un seul légume, mais on s'en fout: un repas végétalien est si vite arrivé).
C'est ensuite que j'ai vu ce qu'ils nous avaient préparé. Des milliard de côtes levées bien dodues grillaient dans un de mes fours. Avec une belle salade verte. Et un vin italien qu'ils nous ont servi pendant qu'ils s'occupaient de tout.

Six petits garçons et deux petites filles témoins de ça.

Nos chums sont très différents de leurs pères. Je pense que c'est la plus belle victoire des féministes: celle d'avoir présenté leurs enfants aux hommes qui partageaient leurs vies.

Soigner, aimer, s'inquiéter, nourrir, consoler, cajoler, s'impliquer. Paterner.

Oui, c'est vachement sexy.

... Mais dis-moi, tu crois qu'une mère en talons qui revient du bureau l'est aussi?

mardi 29 novembre 2011

La table, le fils et la mère

Ma table de cuisine était dehors parce qu'autrement leurs scies n'entraient pas dans la salle à manger. Les scies que ça prenaient pour installer les les armoires de ma cuisine de rêve™.
Je suis revenue du travail et c'était un peu comme un rêve justement. Finalement pouvoir m'installer pour vrai!

Bon, même s'il reste quelques petits trucs ici et là...

Je n'ai pas de comptoirs encore parce qu'ils doivent prendre les mesures. Pas de plaque de cuisson parce que l'électricien ne pouvait pas venir aujourd'hui, pas de fours parce que mon oncle vient les porter demain (oui, oui, au pluriel) et pas de lavabo parce que G. avait un rendez-vous en après-midi et qu'il a du quitter plus tôt.

Est-ce que ces légers détails étaient pour nous empêcher de souper?

Non madame. Le lavabo du garage est pleinement fonctionnel, mon frigo est toujours branché dans le salon et un micro-ondes, bin même Jehane Benoît s'en servait, faque.

Le problème c'était la table dehors. Mon chum était parti à la pratique de hockey de mon fils et dans l'énervement de la découverte de la cuisine de rêve, on avait oublié de la rentrer.

On a une table un peu comme ça, en bois avec une plaque de verre sur le dessus.
Les travailleurs avaient placé la table recouverte d'une bâche sur la terrasse avec le verre juste à côté. La structure en bois se transporte bien, mais le verre lui, c'est du costaud. Sauf que tout était prêt et qu'on avait faim!

Alors j'ai demandé à Éloi de m'aider. Sous la pluie glaciale on a facilement entré la table en bois. Pour le verre, y'a fallu y aller tranquillement. Mon fils gémissait qu'il n'était pas assez fort, qu'il n'y arriverait pas, mais en l'encourageant et en y allant centimètres par centimètres, on a fini par entrer.

Sauf que.

C'était du verre. Il faisait froid dehors. Et quand même assez chaud en dedans. Bien aussi vrai que j'ai quatre enfants, une fois à l'intérieur, l'immense morceau de verre nous a éclaté dans les mains!

Des milliers d'éclats de verre partout, sur nous. Ça aurait pu être dangereux. Je peux pas imaginer si Blanche ou Albert avaient été à côté ou si mon fils avait reçu un éclat dans les yeux. On s'en est tirés avec quelques éraflures sur les mains et les avant-bras et j'ai reçu un petit éclat dans le cou.

Est-ce que c'était pour nous empêcher de souper?

J'ai tout ramassé. Ensuite dans le garage, il y avait un morceaux de contreplaqué. On aurait juré qu'il avait été coupé juste pour ça. Toujours avec Éloi, on l'a transporté, puis déposé sur notre squelette de table.

J'ai mis notre nappe par-dessus et bon appétit!

Tout à l'heure avant de se coucher, mon fils me lance:
- En tout cas, merci maman d'avoir pensé à moi en premier. Quand la vitre a éclaté, c'est fou, la première chose que tu as faite, c'est de t'inquiéter si j'étais correct! Pis toi, tu saignais dans le cou...
C'est vrai que j'ai eu peur qu'il soit blessé. Je lui ai dit de ne pas s'en faire, que c'était peut-être pas une bonne idée de lui avoir demandé de l'aide et que je m'en serais voulu s'il lui était arrivé quelque chose. Il m'a regardé avec ses grands yeux:
- Ça doit être ça une maman hein? Quelqu'un qui pense toujours à nous en premier.
Tsé, tu les aimes comme rien d'autre depuis que tu les as mis au monde pis un moment donné, sans prévenir, tu t'aperçois qu'ils s'en aperçoivent.

vendredi 25 novembre 2011

Jour 102

Ouan ben...

Les gars ont vidé la cour, remballé les échafauds, tout mis ça propre.

En-dedans, on est dans la finition. J'ai commencé à utiliser ma salle de lavage à l'étage et pris un bain dans ma nouvelle salle de bain. Je tape même ce message de notre bureau, au rez-de-chaussée, éclairée par une grande fenêtre qui donne sur les cèdres de la cour.
Je suis trop en état de choc pour me rendre compte de l'effet que ça fait.

S. avance magiquement bien avec ses pinceaux et ses rouleaux. C'est la dernière journée de L, celui qui est arrivé le premier en août dernier démolir ma cuisine d'été.

Celui qui reste sur le chantier, c'est G., l'artiste, pour les mille et unes petites finitions.

J'ai même reçu mes affaires de cuisine. Les installateurs rentrent mardi.

Ça sent enfin la fin.

Ce matin avant de quitter pour l'école, notre Ulysse s'est approché de D.
- Je te souhaite bonne chance D.
- Bonne chance?
- Oui, maman m'a dit que c'était ta dernière journée. Merci pour tout en tout cas, elle est très belle notre maison.
On aura donc survécu.

Ne reste plus qu'à s'installer. Et à continuer d'habiter cette maison qu'on aime et qu'on a finalement mis à notre image.

mercredi 9 novembre 2011

Jour 86

Malgré toutes nos bonnes intentions de départ, on rend les armes: on quitte le navire.

C'est pas parce qu'on a pas de cuisine qu'on doit quitter la maison quelques jours. C'est parce qu'on a des nouveaux planchers.

Des planchers qu'on doit sabler et vernir.

Ça n'aurait pas été si mal si ces travaux avaient été circonscrits à la nouvelle partie de la maison. L'affaire, c'est qu'on a décidé, tant qu'à faire, de faire sabler et vernir tous les autres planchers. En tout cas, ceux du rez-de-chaussée et de l'escalier, qui ont été hyper abîmés pendant les travaux.

Sabler des planchers, ça fait de la poussière en os***. Et vernir des planchers, ça sent le câ*****. Monsieur D. le sableur, a beau utiliser un vernis à base d'eau, y'a quand même un peu de COV là-dedans. Alors on va éviter ça aux petits poumons des oursons.

Un des oursons d'ailleurs, on s'en était douté, prend plutôt mal ce déménagement temporaire.

J'ai pas envie de partir d'ici! J'étais contre les rénovations! Vous auriez
dû demander à toute la famille de voter avant de décider ça!

Courage mon fils, tiens bon, on y est presque.
C'est la dernière grosse étape au fond. Quand on va revenir, je serai à exactement 10 jours de l'installation de ma nouvelle cuisine.

En attendant, avec L. et D., le nouveau chef de chantier, on a tout déménagé dans le garage (tsé, puisqu'on en a un maintenant, héhé). Tou-te, même le frigo.

C'est de la job en maudit. Je suis fatiguée en masse. Hier, au bord de l'épuisement, j'ai dit à L. d'oublier ça, que finalement, on mettrait du prélart à grandeur.

Il a juste rit.

Personne ne me prend plus au sérieux sur ce chantier.

Alors c'est ça.

En passant ne stresse pas Madeleine, on ne s'en vient pas chez vous. On s'est trouvé un super bel appart dans Rosemont. Tout meublé. Y'a même un bain, dans lequel je vais plonger dès mon arrivée ce soir après le travail.

Je ne verrai pas l'avancement des travaux pendant toute une semaine. J'ai remis à D. le porte-clé qu'Albi m'a offert pour la fête des mères en lui disant bien que s'il l'abîmait, il y aurait des conséquences.

Quand je vais revenir dans 8 jours, je pense que je vais avoir un choc. Un choc de beauté. Ensuite, ça va juste être une qualité de vie qui va s'améliorer de jour en jour.

Tu vas retrouver l'ouïe pour Noël Madeleine et moi, je devrais retrouver une maison.

Rejoice.

mardi 8 novembre 2011

Maman est malade

Comme tu le sais Annie, j'ai été malade. Très malade. Plus malade que je ne l'ai jamais été.

Tout a commencé par un vilain rhume/mal de gorge, puis j'ai eu mal aux oreilles, puis, en quelques heures, mon mal d'oreille s'est transformé en horrible double otite purulente. Deux tympans perforés. En langage médical, ça s'appelle: Ayoye. Appelle l'ambulance, je veux que quelqu'un me shoote à la morphine.

J'ai été alitée pendant plusieurs jours. J'ai passé encore d'autres jours à me déplacer péniblement de la chambre au salon, du salon à la chambre. J'ai dû entamer deux antibiothérapies puisque la première s'est avérée inefficace. Je suis devenue presque complètement sourde. À un moment, découragée, je me suis presque résignée. Coudonc, j'allais être le cas étrange de la fille qui commence par avoir un rhume et qui finit par en mourir.

Mais j'ai remonté la pente. Je ne suis pas encore complètement rétablie, mais il paraît que les choses suivent leurs cours. Si la tendance se maintient, je devrais retrouver complètement l'ouïe aux alentours de Noël.

Ce petit billet n'est pas pour que vous plaignez mon sort, il est pour dire merci. Merci à tous ceux qui m'ont écrit des courriels. Tous ceux qui ont osé appeler malgré ma surdité. Toux ceux qui ont apporté à ma famille des bons plats pas du tout végétaliens. Tous ceux qui en ont apporté des végétariens juste pour moi. Tous ceux qui sont venus faire un peu de ménage, ou aider avec les enfants, ou me tenir compagnie. Tous ceux encore qui ont accepté les retards dans mon travail, voire les annulations.

Je me savais aimée, mais pas à ce point.


Entendu pendant que j'étais sourde

"Maman, me crie Léopold, C. elle a pris ton tablier!"

"C'est correct mon loup, elle a le droit."

Léopold tourne les talons, fait deux pas, et revient.

"Mais pourquoi C. elle prend ton tablier?"

"C'est parce qu'elle en a besoin." Regard interrogateur, vaguement inquiet. "C'est correct mon chat. Stp, peux-tu aller dire à C. que je lui prête mon tablier?"

************

" Maman! On a plus besoin de toi dans la cuisine!" me crie fièrement Rosanna.

"Ah non?"

"Non. C. cherchait les tasses à mesurer, alors je lui ai dit qu'elles étaient dans cette armoire-là. Et puis, elle a regardé dans cette armoire-là, et elle les a trouvées. Alors on a plus besoin de toi dans la cuisine!"

*************

" Maman! me crie Victor. Veux-tu que je te prépare un bol de céréales?"

"Oui, merci mon loup. Et puis, veux-tu me dire quand la bouilloire va siffler, si je ne l'entends pas?"

"C'est drôle quand même de te crier après comme ça pour que t'endendes."

"Est-ce que tu vas être malade pour toujours?" me crie à plein poumons Achille, tellement qu'il a une veine qui lui sort du cou.

**************

On a tous su que j'allais mieux quand j'ai recommencé à rôder dans la cuisine pendant que mon homme cuisinait.

"T'as pas mis assez de sel dans ton eau. Pourquoi tu réchauffes ça au micro-ondes? T'aurais dû verser les nouvelles pâtes sur les pâtes froides pour les réchauffer. T'en as fait beaucoup, non? Pourquoi tu mets ça dans ce tupperware-là?"

"OK. Madeleine. Décampe. Vas te reposer, tu me déranges" de me crier mon homme.

**********

Ce qu'il a de bien dans la maladie, c'est que ça force à redéfinir les rôles. Tsé, c'est comme au hockey, au fond. Une famille sans mère, c'est quand même un peu comme une équipe de hockey sans son joueur étoile. Les Pingouins sans Sydney Crosby, tiens.

Au début, tout le monde capote. On ne sait pas comment on va faire pour se démerder. Puis, petit à petit, il y a des joueurs qui trouvent de la place pour développer des aptitudes jusque-là ignorés. On se resserre les coudes. On fait preuve d'un peu plus de patience, d'un peu plus de compassion, d'un peu plus d'ingéniosité. C'est pas parfait, mais on s'arrange. Le lavage se fait, la bouffe se prépare, les enfants sont en sécurité. On compte des buts, quoi.

Autrement dit, Annie, je suis en train de te dire que, comme mères, ben, finalement, on est pas indispensables...

Mais ça, on n'est pas obligés de le crier.


lundi 7 novembre 2011

Le dauphin et les philosophes

Dans son blogue, Marie-Claude Lortie se demande pourquoi cette nouvelle ne fait pas la une de son journal et de tous les autres d'ailleurs.
“Trois hauts dirigeants de Cooke Aquaculture, plus grand éleveur de saumon du pays, font face à des accusations pénales. Ils sont soupçonnés d’avoir déversé un pesticide illégal dans les eaux du Nouveau-Brunswick pour lutter contre un parasite du saumon.”
À l'automne 2009, des centaines de homards étaient retrouvés morts dans la baie de Fundy, entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.

Ces morts étranges soulèvent bien des questions. On finit pourtant par remonter la piste. Les pêcheurs de homards obtiennent pour la première fois des preuves de la présence d'un pesticide, la cyperméthrine, dans la baie. On soupçonne que ce pesticide, illégal au Canada, vient des élevages de saumons. Les industriels s'en servent parce qu'ils ont beaucoup de mal à lutter contre le pou de mer, un parasite qui s'attaque au saumon d'élevage.

De plus en plus de voix s'élèvent pour affirmer que l'aquaculture est une plaie et qu'il faudrait mieux réglementer les élevages de saumon. Je joins ma voix à la leur et j'ai pris la décision de ne plus acheter de saumon d'élevage.

***

Chaque dimanche, j'ai la chance de croiser deux philosophes et hier, ils se sont mis à discuter d'éthique animale. Ils m'ont appris par exemple que le dauphin est une personne non-humaine. Eh oui.

Bon, personnellement, j'ai toujours cru qu'il y avait nous, puis les animaux. Mais bon, qu'est-ce que j'en sais au fond, hein?

Selon l'un de mes deux philosophes, dans 500 ans, parce que nous mangeons de la viande, les hommes du futur porteront sur nous le même regard de dégoût que nous portons sur les hommes du 18e siècle qui avaient des esclaves.

On se disait qu'il n'avait peut-être pas tort. Pourtant, aucun d'entre nous n'étions végétariens, ni même n'avions le désir de le devenir. Il nous semblait malgré tout inévitable que, même s'il n'y a jamais eu autan d'être humains à nourrir, l'éthique animale finira par prendre de plus en plus de place.

Par exemple, pour revenir à la nouvelle de Marie-Claude Lortie, notre société ne trouve plus tolérable de tuer toute biodiversité marine simplement pour produire en grand nombre et à faible coût un saumon aux qualités de plus en plus douteuses.

Dans un même ordre d'idée, la façon dont certains porcs ou certains poulets sont élevés devraient nous en détourner pour toujours. Ce genre de choses, on s'en doute, mais on préfère ne pas les voir.

Comme l'esclavage, notre modèle alimentaire actuel repose sur l'élevage industriel des animaux. Bien sûr, de nombreuses personnes mangent une viande la plus éthique possible ou arrivent à s'en passer totalement et ne s'en portent pas plus mal. Reste qu'elles vivent en marge du système agro-alimentaire dominant. C'est un engagement qui prend de l'énergie, du temps et des connaissances.

Cet automne par exemple, on essaie de rendre possible une livraison de poules avec une amie qui en élève, mais avec l'espace, les rénos et la distance, ce n'est pas simple. J'ai aussi fait une commande pour un porc bio, mais je n'ai pas de nouvelles.

Comme je le faisais remarquer à mes amis philosophes, parfois les arguments éthiques résistent mal au fait qu'il est drôlement pratique d'avoir une épicerie au coin de la rue. Acheter du boeuf haché un soir de semaine reste une avenue simple, économique, goûteuse et culturelle de nourrir une famille de six.

Rejeter le modèle alimentaire actuel n'est pas un objectif vers lequel je tends dans l'absolu. Par contre, y être infidèle de plus en plus continue de me séduire.

lundi 31 octobre 2011

Déjeuner en paix

Ah, qu'il fait bon être tranquille en congé un lundi.

Course matinale, petit clémentine, temps pour préparer des pains dorés, bon café au lait, iPad pour lire les nouvelles.

Tout invite à la détente.

Ou presque.

vendredi 28 octobre 2011

Le danseur

S. est arrivé sur le chantier ce matin avec son assurance, ses rouleaux et ses gallons. C'est le peintre. Et les peintres, ça plaît aux femmes.
- Je ne sais pas s'ils vous l'ont dit, mais vous êtes tombée sur le meilleur peintre en ville.
Ouais justement, ils me l'avaient dit. Apparence qu'avant que S. n'arrive dans l'équipe de B., ils faisaient la peinture eux-mêmes.
- On était toué gars avec nos rouleaux, pis ça pouvait nous prendre deux ou trois jours. S. est tout seul et il fait ça en moitié moins de temps. C'est le meilleur peintre en ville.
Je suis en train d'écrire, les oreilles ploguées sur le nouveau Coldplay, et je l'espionne discrètement du coin de l'oeil. Avec son rouleau, on dirait qu'il danse. En deux heures, il a fait tout le primer de l'étage et là, il progresse super bien dans ma cuisine.

Un beau grand gars, mi-trentaine. Visage anguleux, yeux bruns très profonds et des cheveux courts. Ça plaît aux femmes les peintres parce que ça parle notre langage. Un langage que généralement, nos chums refusent de maitriser.
- Je le sais-tu moi quelle couleur je veux pour mon garage! Arranges-toi avec la peinture, de toute façon, je suis daltonien, m'a renvoyée mon chum avec toute sa délicatesse.
S. lui, comprend ce genre de priorités:
- Laissez-moi aller, je vais toute vous expliquer. Dans la salle de bain, ça vous prend un fini perle. Avez-vous vos couleurs?
Ouan, je les ai mes couleurs.
Ça fait trois semaines que je m'arrache toute seule les cheveux à faire des cristies choix de couleurs. J'ai ressentie la même angoisse que chaque fois que j'ai eu à choisir un prénom pour mes bébés. Tsé, bin avant les solives du toit pis la dalle de béton, c'est une grosse responsabilité les couleurs de peinture!

Finalement ma cuisine/salle à manger sera Chat chartreux et Biscotti aux amandes.


L'entrée, j'ai osé un Cuivre poli.
Un Bloody Mary écoeurant pour la salle d'eau
et un magnifique Riz Frit pour ma salle de bain.
Pour la chambre d'Ulysse je voulais Volcan endormi, mais la vendeuse m'a convaincu de le remplacer par un Gris très pâle.


Et finalement, pour le garage de mon chum, S. m'a suggéré un magnifique Sauce Cardinale:


Le meilleur peintre en ville, j'te dis!

Jour 74

mardi 25 octobre 2011

Le changement

Mon grand change.

Victor : Comment ça moi j'ai seulement un tout petit peu d'omelette?

Maman : C'est parce que c'est une omelette au jambon ET aux champignons. Je pensais que t'aimais pas ça. Alors je t'en ai mis un tout petit peu.

Victor, en engouffrant l'omelette avec du pain baguette : Ben non maman, j'adore ça l'omelette. Ça fait longtemps. Est-ce que je peux en avoir d'autre?


Mon grand, mon difficile, celui qui ne veut jamais goûter, change.

Victor : Maman, tu sais quand j'ai dormi chez Z. l'autre soir? Ben, sa mère avait fait de la pizza. Et j'ai un peu aimé ça. On dirait que je me développe un goût.

Maman : T'aimes pas MA pizza mais tu aimes la pizza de la mère de Z.?

Victor : Je développe un goût, je te dis maman!

C'est beau voir le changement, même si parfois, comme parents, on a l'impression de pédaler un peu en arrière. Remarquez, ça change d'avoir l'impression de pédaler toujours en avant.

Victor : Papa, mets Radio Classique Montréal. Il y a un très bonne émission à partir de 21 h. Les plus belles musiques de films.

Papa : T'aime ça les musiques de films? Ça m'étonne...

Victor, un brin insulté : Ben oui, j'aime ça. Ça fait longtemps que j'aime ça. Pourquoi tu dis que ça t'étonne?

Papa : Je veux juste dire que je suis étonné. Mais agréablement étonné. C'est pas négatif, là. Je suis juste... étonné.

Victor : Ah, la la. C'est comme l'omelette aux champignons. Ça fait super longtemps que j'aime ça, mais ça vous étonne que j'en mange. C'est quoi là... La prochaine fois ça va être : "Oh... Bravo mon petit Victor! T'as mangé tous tes spaghetti!"


Éclats de rire. Mon fils change, mais il est toujours aussi drôle.

Maman : Dans le fond, tu nous dis que tu changes mon garçon?

Victor : Oui, je change. Depuis longtemps. Mais personne s'en rend compte.


On s'en rend compte, mon garçon, on s'en rend compte.

C'est juste qu'on veut pas le voir.

jeudi 20 octobre 2011

L'amitié

Une amie sait ce dont tu as besoin sans que tu n'aies à le lui dire.

Moral dans les talons. Convalescence de gastro. Maison en total bordel depuis trop de jours.
- Annie, on passe dans votre coin ce soir, êtes-vous là? J'ai vous ai préparé un petit quelque chose...
À l'heure dite, ils sont passés. Avec deux gros plats. Un souper plus un dessert. Pour toute notre gang.

Ce soir, on était plutôt rushés. Journée pleine au travail, hockey de mon fils et achats pour la maison à courir aux quatre coins de la ville.

Mais ça ne me dérangeait pas. Parce que je savais que le repas était fait.

Madeleine, merci beaucoup pour ton souper, c'était vraiment super bon.

mardi 18 octobre 2011

Daniel

D. ne stationnera jamais plus son immense pick-up beige en face de la maison.

Il ne sera jamais plus le premier arrivé sur le chantier à préparer le terrain pour ses hommes.

Jamais plus il n'installera de cuisine de brousse ou ne tentera d'acheter des enfants en leur offrant des Timbits.

Daniel a fait un AVC dimanche après-midi. La mort le taquine maintenant avec ses longs doigts dans le lit dans lequel il est cloué sans jamais avoir repris conscience. Il entrait tout juste dans la cinquantaine.

vendredi 14 octobre 2011

Un vendredi à la campagne

Tu es partie à la campagne pour le weekend Annie? Moi, j'y suis allée aujourd'hui.

Il ne faisait pas très beau quand on s'est levés ce matin. Il pleuvait. En regardant par la fenêtre, ma fille m'a dit: "Tu sais, maman, à l'école, on a étudié le cycle de l'eau." L'eau sur le sol qui s'évapore qui monte former les nuages qui éclatent sous les tonnerres et les éclairs que tombe la pluie sur le sol.

Un éternel recommencement.

Après déjeuner, on s'est préparés en vitesse, on était déjà en retard. On l'était encore plus quand on a pris place dans la voiture, de mauvaise humeur. Sur l'autoroute, j'avais l'impression qu'on fonçait dans le gris du ciel. Mais il y a quand même eu quelques éclaircis. Des faisceaux de lumière transperçaient les nuages comme si le soleil étirait ses jambes vers le sol.

Quand on est arrivés au monastère, la messe était déjà commencée. Les chants harmonieux des célébrants auraient dû nous apaiser tout de suite, sauf que les petits gars étaient fatigants. Ça gigote ces affaires-là, surtout quand il ne faut pas. Je me suis dit que ma soeur R. avait eu une foutue de bonne idée de ne pas emmener les siens d'enfants quand mon homme a dû sortir se balader pour sauver notre honneur familial.

Recueillement.

Quand on est entrés dans la petite chapelle, il pleuvait encore. Pas fort, mais quand même. Le père G. a parlé. D'autres personnes ont aussi parlé. Et puis, on a pleuré aussi, bien sûr. Larmes de tristesse et d'espérance. Larmes d'amour et de solidarité. Larmes de soulagement.

On était là pour dire au revoir à Gabriel, presque un an après son bref passage parmi nous.

"Je ne voulais pas vous regarder pleurer, m'a dit Victor. J'avais trop peur de pleurer moi aussi."

"C'est pas grave pleurer, mon gars. Parce qu'après, on se sent mieux."

"Après, on rit?"

"On peut même pleurer de rire."

Cycle de l'eau. Cycle des larmes.

Autour de l'endroit où on a mis en terre mon petit neveu, les enfants ont posé toutes sortes de questions. Je leur avais déjà tout expliqué: la cérémonie, l'enterrement, la petite boîte, les cendres, mais il faut croire qu'ils avaient encore envie d'en parler. Un éternel recommencement. Ça faisait du bien de tout répéter.

J'étais contente qu'ils soient là finalement.

Sur le chemin du retour, le ciel était encore couvert, mais ça me semblait un peu moins gris. Sur les montagnes qui nous entouraient, on voyait une brume blanche s'élever vers le ciel. C'était beau.

Et ce soir, j'ai dans mon lit la petite A., le bébé fille d'une autre soeur partie gagnée sa vie pour quelques heures. Petite née cet été apaiser nos coeurs. Quelle chance j'ai d'être entourée de ces précieux bébés. Ceux que j'ai portés dans mon ventre, ceux que je peux porter dans mes bras et ceux que je pourrai à jamais porter dans mon coeur.

Cycle de l'eau. Cycle des larmes. Cycle de vie.

Un éternel et apaisant recommencement.

Le pire

C'est sûr qu'on est pas des réfugiés au Soudan. Heille, on fait juste se payer le gros luxe d'une maison plus grande.

Malgré tout, j'ai un petit garçon qui ne trouve plus ça drôle du tout.

C'est comme ça que je l'ai retrouvé mercredi soir. En petite boule, caché derrière un fauteuil. Rien ne va plus. À l'école, à la maison; il confronte, il bloque, il conteste.
- LES MURS DE MA MAISON TOMBENT ET JE VAIS PERDRE MA CHAMBRE!
Petit coeur hypersensible, attaché à sa sécurité affective comme à une bouée de sauvetage, il perd tout ses repères. Du coup, on perd les nôtres aussi. Ulysse a besoin d'aide pour passer au travers de toutes sortes de changements, dont ces rénos qui bouleversent sa routine. Ce mercredi, c'était invivable.

Je pense qu'on en est à peu près au pire dans les rénos. À partir d'ici, ça peut juste aller mieux. Encore que, c'est dur à dire.

Je pensais qu'on atteignait le pire avec la perte de la salle de bain, puis celle de la cuisine, puis celle du salon. Mais plus tôt ce jour là, D. avait d'autres cartes dans son jeu...
- Madame, euh, faudrait vider le garde-robe des ptits gars. Pis votre lingerie. On va défoncer demain.
Alors c'est la perte du seul garde-robe des gars. Leurs vêtements sont maintenant empilés dans notre chambre.

Et vider une lingerie, tu les mets où les draps et les serviettes de tout le monde quand tu n'as déjà plus de place dans une maison déjà trop petite?

Tu les empiles à côté des vêtements de tes gars, déjà empilés dans ta chambre.

Et ce soir là, tu te couches après avoir fait ta vaisselle, après avoir tout rangé dans tes bacs, après avoir passé le balai et éternué ta vie dans la poussière de gypse. Plus tu te rapproches d'un semblant d'ordre (ou en tout cas, de moins de désordre), plus tu finis par te trouver chanceuse parce qu'il n'est pas encore 21h et que tu vas te coucher tôt.

Peut-être au fond que le pire est passé. Qu'à partir d'ici, ça peut juste aller mieux.

Et tu t'endors.

Mais là. Mais là...

À 2:37 ta fille se met à vomir. Aux 40 minutes jusqu'à 5:40. Quand tu n'as pas de salle de bain à l'étage. Quand ta lingerie est empilée dans ta chambre.

Et un moment donné, tu te dis fuck it.

En avez-vous un, vous autres, fond d'urgence?

Tu sais, un peu d'argent que tu mets de côté et que tu oublies là en prévision des vrais coups durs?

J'ai appelé au travail. J'ai fait une petite épicerie. Mis deux ou trois choses dans un sac en toile. Tout à l'heure avec Chinette, on va aller chercher les gars à l'école. On s'en va trois jours à la campagne. Pas de poussière. Avec un bain. Se coller toute la gang. Pis rire.

Dans une maison qui a du bon sens.

lundi 10 octobre 2011

La boîte de Timbits

D. est venu travailler aujourd'hui. Même si c'est férié.
- M'a finir la plomberie, pis j'aurai pas les autres din' jambes! m'avait-il dit vendredi avant de quitter.
Aucun problème que je lui ai dit, sauf que les enfants vont être là, eux. Tellement là que vous allez peut-être bien vous ennuyer de L. pis de toute votre gang...

Il est arrivé vers 8h alors que je préparais mon café. Il est entré timidement dans ce qui était jadis mon salon et qui est aujourd'hui un entrepôt de portes intérieures et un mini coin pour ma cafetière et mon micro-ondes.
- Bonjour Madame! Tenez, ça, c'est pour les enfants.
Ça, c'était une boîte de Timbits.

Mes enfants? Ils étaient au 7e ciel, "c'est le meilleur déjeuner qu'on a jamais eu!"

Une fois la boîte vide, Albi s'est approché de moi en la tenant contre son coeur. Il avait un secret. Il a attiré mon oreille près de lui et m'a chuchoté:
- Maman, je peux garder cette boîte? Comme souvenir de D...
Il essayait de les acheter tu crois?

Tsé la corruption dans le milieu de la construction? Bin c'est ça.

mercredi 5 octobre 2011

Souper de brousse trois étoiles

Tu écrivais hier que lors du premier repas dans votre maison en rénos, ton chum t'avait lancé: "On dirait que ça va mieux Madeleine! On arrive à cuisiner dans cette maison!"

Cuisiner dans une maison, c'est vraiment l'habiter. Cuisiner tout court, c'est la vie qui prend possession d'un espace.

Tiens, c'est une partie de ma cuisine de brousse.
Quand j'ai vu ça hier après-midi, j'avoue que j'ai quand même un peu soupiré. C'est L. qui m'a tout organisé. Avant de quitter, il m'a dit avec un sourire un peu piteux que tout était fonctionnel. Je pense qu'il m'a pris en pitié parce qu'il a passé l'aspirateur partout dans la maison.

J'ai soupiré, puis je me suis retroussée les manches. J'avais une heure devant moi. J'ai empli mon seau d'eau et j'ai lavé tous les planchers de l'étage. La poussière qu'il y avait là ma fille! J'ai changé l'eau cinq ou six fois.

J'ai fait la vaisselle du matin, j'ai tout rangé dans mes bacs et je me suis attaquée aux lunchs des gars. Ensuite, j'ai sorti mon encyclopédie Jehane Benoît et j'ai préparé mon plan de travail sur la table de la salle à manger.

C'est une fois debout devant ma cuisinière à faire dorer des lanières de boeuf dans un peu de beurre et d'huile d'olive que j'ai su que ça marcherait. Ouais, je vais arriver à cuisiner pour ma gang! Ça se peut.

On a eu un vrai bon souper. Je sais pas si c'est l'ambiance cuisine de brousse, mais tout le monde s'est resservi. Même si y'avait des champignons. Au milieu du repas, mon chum a déclaré:
- Les boys, Blanche, vous voyez de quoi à l'air notre cuisine? Ben malgré ça, ce soir, on mange mieux que 99,5% des gens qui ont une cuisine en parfait état!
J'avoue que j'étais rose de fierté.

Ce matin, quand D. a vu ma cuisine il s'est écrié:
- Criss de belle cuisine. Une fois vernis, ça va t'être écoeurant! Youhahaha!

L. était là, tout sourire. Mine de rien je lui ai lancé:
- En tout cas L., je sais pas ce que vous avez mangé chez vous hier soir,
mais nous autres, on a eu du boeuf stroganof pis du gâteau dattes et
oranges. Je dis ça de même.

C'est la première fois que je vois L. perdre son sourire. Tout d'un coup.

Que veux-tu, c'est parfois l'effet que je fais aux hommes...

Tu crois que si je lui promettais une part de gâteau, il travaillerait un peu plus vite?

mardi 4 octobre 2011

Rénovation 101

Tes histoires de rénovations, Annie, ça me fait penser à celles que j'ai déjà vécues, il y a fort longtemps. Quand je n'avais que deux enfants.

Mon homme et moi, notre première maison, c'était un duplex, bien situé, mais un peu trash. Quand on l'avait visité avec notre inspecteur, je me souviendrai toujours de ce qu'il avait dit: " La maison est bien correcte: le toit est en bon état, la brique est neuve, les fenêtres sont récentes ... sauf que... en dedans... ça fait dur."

Oui, elle faisait dur notre maison. Une cuisine avec des vieilles armoires usées. Un comptoir en mélamine magané. Un prélart fini. À peine assez d'espace pour une table et un salon adjacent qui comportait un "faux plancher": c'était un espèce de structure surélevé d'environ deux pieds, façon années 80, avec du tapis ras dessus. Une étrange amélioration. Il y avait du vert hôpital et du jaune bébé sur les murs.

Ça faisait dur, mais on s'en sacrait. On était jeunes, on était fous, mon homme a pris son croc-barre et il a tout défoncé. Et il a tout recommencé. Travaillé comme un bœuf pendant des mois pendant que je m'occupais des mômes dans un appartement pas loin.

Quand on y a emménagé, parce qu'il fallait bien le faire un jour, c'était encore un chantier. Le plancher était verni, les murs étaient peints, l'électricité était filé, la plomberie était installée, on avait une toilette, un bain même, mais pas vraiment de cuisine. Ce n'était encore qu'un concept.

Il n'y avait pas d'armoires, pas de comptoir, pas d'évier, encore moins de lave-vaisselle, pas de garde-manger.

Le premier matin dans notre nouvelle maison, j'ai figé. Paralysée. Il y avait des boîtes partout, des meubles n'importe où. Je ne trouvais rien d'autres à faire que de pleurer à chaudes larmes, mes deux bébés à mes pieds. Tu vois le genre.

Heureusement, mon homme, lui, en situation d'urgence, il devient un superhéros.

Alors, il avait branché le four et le frigo. Il avait trouvé une petite table qu'il avait posée entre les deux. Ça me faisait un petit bout de "comptoir". Ensuite, il avait trouvé une petite bibliothèque, l'avait posée sur une autre petite table, ça me faisait une "armoire" pour la vaisselle. Ensuite, il avait patenté des étagères qu'il avait montées à côté du four. Ça me faisait un "garde-manger". Finalement, il avait branché l'eau chaude dans un évier... dehors dans la cour. C'est là que j'ai fait la vaisselle pendant la première semaine. C'était ça ou le bain.

Le soir même, je faisais le premier des nombreux repas que j'ai cuisinés dans cette maison. Quand mon homme avait senti l'odeur du souper, il s'était écrié, je m'en souviens clairement : "On dirait que ça va mieux Madeleine! On arrive à cuisiner dans cette maison!"

C'est peut-être à ce moment-là qu'on a su tous les deux qu'on était enfin chez nous.

**************

Pour laver la vaisselle, évidemment, il fallait qu'on aille dans la cour. Comme il n'y avait pas de renvoi, j'avais un saut sous l'évier. Quand le saut était plein, je l'apportais à l'égout dans la ruelle et je le vidais. J'étais un peu gênée quand ma locataire d'en haut sortait sur son balcon.

Au début, j'ai bougonné, c'est clair. Puis mon homme, devant ma face boudeuse, m'avait dit qu'il était désolé et qu'il avait fait son possible pour que tout soit terminé, alors j'avais adopté un attitude plus courageuse. Au fond, j'étais pas plus mal que Maria Chapdelaine. Ou que toutes les femmes de défricheurs dans le fond de l'Abitibi. Fallait juste être patiente.

Quand même, heureusement que le mois d'octobre fut doux.

Une semaine plus tard, mon homme avait terminé de bâtir un grand ilot de cuisine dans lequel j'avais un immense évier... et un lave-vaisselle. C'est là qu'on a mangé nos déjeuners pendant plus de trois ans. Là que j'ai lavé les deux bébés qui sont nés dans cette même maison. C'est aussi dans cette cuisine que j'ai eu mon premier four acheté. Il était encastré, à convection, programmable. Le grand luxe. J'ai aussi eu un comptoir en érable, et des lumières encastrées tout partout. On y voyait bien.

Je l'ai eu ma cuisine de rêve. Jusqu'à ce qu'on vende la maison.

Je ne sais pas trop pourquoi je te raconte cette histoire. Ce n'est pas pour t'encourager, ni pour te décourager. Je dirais même pas que je retournerais à cette période de ma vie. J'en garde un souvenir réaliste.

Mais tout de même.

Je n'ai peut-être pas voyagé tant que ça dans ma vie. J'ai peut-être passé beaucoup de temps dans ma maison à élever des petits. Mais l'aventure, tu vois, je l'ai quand même vécue.

C'est juste que c'était quelque part sur la rue Chabot, en plein cœur de Montréal.

dimanche 2 octobre 2011

Présentations

Les gars du chantier, je ne les ai pas encore présenté. Depuis le 15 août, ils sont tellement là à s'incruster dans notre intimité, qu'on fini par... Comment dire... Bin de les voir jours après jour dans nos affaires, je vais te dire, ça créer une ambiance particulière dans la chaumière.


Voici B., l'entrepreneur. Décisions, factures, problèmes: tout passe par lui. C'est le premier qu'on a rencontré, en janvier dernier. Son calme et sa précision nous avaient plu. Dans un gros projet comme ça, on a besoin de quelqu'un qui sait garder son sang froid.

C'est un homme poli, sérieux, assez grand, à l'humour disons... discret. C'est le boss, mais il n'hésite pas à mettre les mains dans la bouette si nécessaire, ce qui lui vaut le respect de son équipe. Quand il parle, ça compte, alors t'as intérêt à lui apporter les bonnes réponses. Le problème, c'est que le 3/4 du temps, je n'ai aucune espèce de réponse à lui donner.
- Quand l'architecte est venu, quelles mesures il vous avait donné pour la hauteur entre la corniche et la solive de l'existant?

- Duh, blah, plllffft, flehhh...
C'est simple, chaque fois que B. me parle, j'ai l'air idiote. Et tu connais mes formidables capacités intellectuelles Madeleine, passer pour une cruche, j'ai jamais vraiment joué dans ce film là. Alors s'applique cette variante de la loi de Murphy: plus tu souhaites ne pas avoir l'air de quelque chose, plus tu en as l'air. Ce qui a fait dire à mon idiot de fils aîné:
- Cou'donc maman, es-tu amoureuse de B?

- ...

- Quand tu lui parles, t'as l'air gênée,
a ajouté son 2 watts de frère. T'es-amoureuse-de-B-euh!

- NON C'EST PAPA L'AMOUREUX DE MAMAN,
a hurlé Albert.

- Ouan. C'est votre père mon amoureux. Bon.

En tout cas. Lui là-bas, c'est D., le contremaître. C'est le premier sur le chantier, à 6h. Encore la tête dans l'oreiller, je l'entends stationner son immense pick-up beige en face de chez nous et sortir toutes ses affaires d'outils. Il prépare le terrain pour ses hommes.

Sur le chantier, quand il ne siffle pas, D. chante du Claude Dubois («fadel-twit-tedil-do-twit...») ou du Gerry Boulet («je suis celui qui frappe dedans la vie...»). Il est l'archétype du gars de construction: cigarette au bec, tatouages, cheveux en brosse, basané. Il appelle mon chum par son prénom, mais à moi, il sert du "Madame" gros comme ses biceps. Bon vivant, il a toujours le temps pour une jasette et possède un humour pour le moins douteux.
- Pu de toilettes? Câlisse y'a rien là tabarnak! Quand on construit des maisons neuves, on pisse din' boîtes à gyproc! Wouhahahaaa!
Je jurerais que B. a un peu de mal avec l'exubérance salace de D., mais moi je rigole et en plus, ça me fait plaisir de voir B. mal à l'aise.


Celui avec la salopette de travail, c'est G. L'ouvrier d'expérience. Tête grise, il est grand, mince et timide. Dans une autre vie, je l'imagine bibliothécaire. Dans un monastère au Moyen Age, genre. C'est un artiste, en tout cas il nous le dit souvent.
- Je vais vous arranger ça, vous allez voir ça va être beau. Je suis un artiste!
Toujours discret, on dirait qu'il marche continuellement sur la pointe des pieds. G. est vraiment trop gentil.
- Oh, dérangez-vous pas madame, dit-il de sa voix douce en entrant dans la maison avec sa chaisaw, je viens juste enlever la fenêtre de votre cuisine...

Puis finalement ici, c'est L., l'ouvrier le plus jeune. Lui et G. sont les premiers qui sont arrivés sur le chantier, en août. Cette journée là, L. nous avait dit en souriant:
- Vous pis moi, on va se voir pas mal souvent!
Avec sa casquette toujours vissée sur la tête, mes gars l'ont adopté. Il est très doux et a toujours du temps pour eux.
- Je parlais avec L, dit fièrement Albert, on discutait de la maternelle.
Notre maison est le plus gros projet de rénovation sur lequel L. a travaillé. Souvent, il nous accroche pour qu'on vienne voir à quel point ça avance:
- Ça va être ben beau han!
Lui-même n'est pas déplaisant à regarder. Il a toujours le sourire. Même avec la scie ronde, concentré à faire des angles impossibles. De toute l'équipe, c'est le seul qui nous appelle tous les deux par notre prénom. Ce qui plaît à mon social butterfly de chum:
- Tu trouves pas que L. est vraiment sympathique? me dit-il alors qu'on était tranquilles dans le lit. C'est un bel homme aussi, non?

- COU'DONC, es-tu amoureux de L.?!?

-
(voix de l'autre côté du mur) NON, C'EST TOI L'AMOUREUSE DE PAPA!

Tsé quand on dit que les rénos sont difficiles sur la vie d'un couple... Bin c'est ça.

jeudi 29 septembre 2011

Viens voir les comédiens

Le jour où ça c'est décidé - Scène 1

[Rideaux s'ouvrent. Salle à manger d'une maison du 514. Fin d'après-midi de septembre. Coups de marteaux, drill et chain saw en arrière plan. Soleil inonde la pièce. Elle et lui sont assis à table. Ils se font face, mais regardent dans le vide.]

Lui: Combien de temps déjà il a dit qu'on n'aurait pas de cuisine?

Elle: Une semaine. L'entrepreneur a dit que viendrait un moment où on n'aurait pas de cuisine pendant "au moins une bonne semaine".

[Silence]

Lui: Va falloir penser à quelque chose. On pourra pas rester ici.

Elle: Ouan. On pourra pas. Mais on va où? Y'a jamais assez de place chez mes parents, oublie ça. En plus le trafic...

[Silence]

L: On pourrait... séparer la famille.

E: SÉPARER LA FAMILLE, ES-TU FOU?!?

L: Capote pas. Regarde. Admettons. Toi pis Blanche, vous allez chez tes parents. Moi pis les gars, on va... euh... on va chez Madeleine.

E: Ah ouan, han? Chez Madeleine. Y vont aimer ça.

[Silence]

E: Pourquoi pas louer deux chambres au Motel Ideal sur Lajeunesse? Y doit avoir des cuisinettes! Pis on va être juste entre l'école pis le CPE...

L: AU MOTEL IDEAL, ES-TU FOLLE?!?

[Silence
*marteaux, drill, chain saw*
Silence]


E: L'entrepreneur là... si tu te souviens, il a bien dit qu'on n'aurait plus ...

E + L: ... de cuisine, ouan.

E: ... y'a pas dit qu'on n'aurait plus de... maison. Y'a ben dit, plus de...

L: ... cuisine... Ouais! Tu veux dire que...

E: ... que au fond, une cuisine... s'tu si *grave* si on n'a pas pendant une semaine? Tsé, on a nos lits, la toilette de la cave...

L: Ouin, vrai. Le resto pendant une semaine, c'est clair que c'est moins compliqué que de déménager tout le monde...

E: Pis moins cher que le Motel! À part ça le resto, pfft... Pas besoin d'y aller trois fois par jour non plus. On a juste besoin d'une glacière pour les déjeuners ou des repas froids! Qu'est-ce t'en penses?

L: Au fond... Ouan. Ok.

E: Ok. Au fond. Tsé.

[Les deux se lèvent. Retournent à leurs affaires. Fondu au noir. Rideaux.]

mardi 27 septembre 2011

Cuisine de brousse

Le fun commence.

On s'est assis avec notre entrepreneur et son contremaître hier. Lundi prochain, ils ouvrent.

Traduction: ils défoncent les murs pour raccorder la nouvelle partie à l'existant. Et l'endroit où ils ouvrent au rez-de-chaussé =>> c'est ma cuisine.

Selon mon entrepreneur, c'est un détail:
- Ok. On va défoncer ici, mais on va vous faire un mur temporaire par là. Le four va aller dans votre salle à manger, pis le frigo aussi. L'électricien va juste passer les fils. Facile de même.
Pour le contremaître aussi, c'est un détail:
- Deux ou trois armoires, ça vous tenterait? Je vais vous les clouer en haut ici, sur le mur du côté. Je peux vous en mettre à terre aussi, vous allez pouvoir garder vos affaires.
- Ok, je dis avec une voix que j'espère limite nonchalante-j-en-ai-vu-d-autres, pis... avez-vous pensé... à un point d'eau?

- L'évier, tu veux dire Annie,
a corrigé sans nonchalance aucune mon chum. L'évier, pis le lave-vaisselle.
Les deux se sont regardés comme si on parlait araméen. Visiblement, c'était un détail auquel ils n'avaient pas pensé. Ils se sont reculés dans la cuisine avec le plan en faisant un caucus auquel le commun des mortels ne comprend pas grand chose.

Après 3 secondes et quart de gesticulations et discussions animées, ils sont revenus nous voir:
- Pas de trouble. À place, on va faire passer le mur temporaire ici, juste à côté de la colonne de plomberie...

- ... les fils électriques vont passer par là...

- ... jusqu'à votre four, dans salle à manger...

- ... pis ici, on va vous installer une cuve amovible. Avec le lave-vaisselle à côté...

- ... peut-être. Le lave-vaisselle à côté.
Là, j'ai eu furieusement envie de hurler de rire. J'aurais juré qu'eux aussi. Mon chum lui, avait les yeux grands, grands. Il ressemble à Albi dans ce temps là, mais c'est un autre sujet.

Faque c'est ça. Faut tout vider la cuisine. Tou-te. Il vont stripper en une seule journée. Le soir, ça va être sur le gyproc. Et je vais avoir ma cuisine de brousse.

Avec peut-être pas de lave-vaisselle.

Jour 43

lundi 26 septembre 2011

Géopolitique et pâté chinois

Des fois les repas avec quatre enfants sont chaotiques, mais il arrive aussi qu'il se passe quelque chose sans que tu saches trop comment ça commence... Ce soir, je pense que c'est avec une question d'Éloi.
- Maman, admettons qu'on est en chicane toi et moi. Si moi, je pense que j'ai raison et que toi aussi tu penses que tu as raison, ben personne a tort, hein? Ça dépend du point de vue.
Dimanche soir, j'étais seule avec les enfants. Pour souper, je ne sais pas pourquoi, je leur ai proposé du pâté chinois et ils étaient fous de joie.

Le relativisme, ça me fait plaisir chez mon presque 10 ans. Un moment donné, l'univers continuellement divisé entre les-méchants et les-gentils, ça va faire.

Sauf qu'en même temps, c'est tu énervant rien qu'un peu les gens pour qui tout s'équivaut... Des méchants, y'en a pour vrai, tsé!
- Hitler par exemple les boys. Même si lui pensait qu'il avait raison, bien il avait tort.
Six yeux rivés sur moi.
- Pourquoi il avait tort?
- Pourquoi il faisait la guerre?
- Pourquoi il s'appelait Hikler?
- (Éloi + Ulysse: *roulent des yeux*) HiTTLÈR, Albert. Dégage!
(Albert dégage, retrouver Blanche qui préfère ses petits trains à l'histoire du 20e siècle)

Et puis me voilà à expliquer le nazisme, 1933, les Alliés, les puissances de l'Axe, le front russe...

Je mime la position géographiques des pays avec mes mains, mais visiblement, à l'heure du 2.0, ce n'est pas assez interactif. Alors mon Ulysse se lève de table, revient avec du papier et un crayon à mine, met son pâté de chinois de côté, et dessine la carte de l'Atlantique nord.
Bon. Tente de dessiner la carte de l'Atlantique nord.

Alors je mets mon assiette de pâté chinois de côté, je prends une de ses feuilles et son crayon et je dessine la bataille de l'Europe. Le mur de Berlin. La guerre froide. Jusqu'en 1990.

Je te jure. On aurait dit Point de Mire.

Leurs yeux, ouverts et vifs, comme si le monde se déployait devant leur pâté chinois.

Avant d'avoir des enfants, c'est quand j'imaginais des soupers comme celui-là que ça me donnait le goût d'en avoir.