jeudi 29 septembre 2011

Viens voir les comédiens

Le jour où ça c'est décidé - Scène 1

[Rideaux s'ouvrent. Salle à manger d'une maison du 514. Fin d'après-midi de septembre. Coups de marteaux, drill et chain saw en arrière plan. Soleil inonde la pièce. Elle et lui sont assis à table. Ils se font face, mais regardent dans le vide.]

Lui: Combien de temps déjà il a dit qu'on n'aurait pas de cuisine?

Elle: Une semaine. L'entrepreneur a dit que viendrait un moment où on n'aurait pas de cuisine pendant "au moins une bonne semaine".

[Silence]

Lui: Va falloir penser à quelque chose. On pourra pas rester ici.

Elle: Ouan. On pourra pas. Mais on va où? Y'a jamais assez de place chez mes parents, oublie ça. En plus le trafic...

[Silence]

L: On pourrait... séparer la famille.

E: SÉPARER LA FAMILLE, ES-TU FOU?!?

L: Capote pas. Regarde. Admettons. Toi pis Blanche, vous allez chez tes parents. Moi pis les gars, on va... euh... on va chez Madeleine.

E: Ah ouan, han? Chez Madeleine. Y vont aimer ça.

[Silence]

E: Pourquoi pas louer deux chambres au Motel Ideal sur Lajeunesse? Y doit avoir des cuisinettes! Pis on va être juste entre l'école pis le CPE...

L: AU MOTEL IDEAL, ES-TU FOLLE?!?

[Silence
*marteaux, drill, chain saw*
Silence]


E: L'entrepreneur là... si tu te souviens, il a bien dit qu'on n'aurait plus ...

E + L: ... de cuisine, ouan.

E: ... y'a pas dit qu'on n'aurait plus de... maison. Y'a ben dit, plus de...

L: ... cuisine... Ouais! Tu veux dire que...

E: ... que au fond, une cuisine... s'tu si *grave* si on n'a pas pendant une semaine? Tsé, on a nos lits, la toilette de la cave...

L: Ouin, vrai. Le resto pendant une semaine, c'est clair que c'est moins compliqué que de déménager tout le monde...

E: Pis moins cher que le Motel! À part ça le resto, pfft... Pas besoin d'y aller trois fois par jour non plus. On a juste besoin d'une glacière pour les déjeuners ou des repas froids! Qu'est-ce t'en penses?

L: Au fond... Ouan. Ok.

E: Ok. Au fond. Tsé.

[Les deux se lèvent. Retournent à leurs affaires. Fondu au noir. Rideaux.]

mardi 27 septembre 2011

Cuisine de brousse

Le fun commence.

On s'est assis avec notre entrepreneur et son contremaître hier. Lundi prochain, ils ouvrent.

Traduction: ils défoncent les murs pour raccorder la nouvelle partie à l'existant. Et l'endroit où ils ouvrent au rez-de-chaussé =>> c'est ma cuisine.

Selon mon entrepreneur, c'est un détail:
- Ok. On va défoncer ici, mais on va vous faire un mur temporaire par là. Le four va aller dans votre salle à manger, pis le frigo aussi. L'électricien va juste passer les fils. Facile de même.
Pour le contremaître aussi, c'est un détail:
- Deux ou trois armoires, ça vous tenterait? Je vais vous les clouer en haut ici, sur le mur du côté. Je peux vous en mettre à terre aussi, vous allez pouvoir garder vos affaires.
- Ok, je dis avec une voix que j'espère limite nonchalante-j-en-ai-vu-d-autres, pis... avez-vous pensé... à un point d'eau?

- L'évier, tu veux dire Annie,
a corrigé sans nonchalance aucune mon chum. L'évier, pis le lave-vaisselle.
Les deux se sont regardés comme si on parlait araméen. Visiblement, c'était un détail auquel ils n'avaient pas pensé. Ils se sont reculés dans la cuisine avec le plan en faisant un caucus auquel le commun des mortels ne comprend pas grand chose.

Après 3 secondes et quart de gesticulations et discussions animées, ils sont revenus nous voir:
- Pas de trouble. À place, on va faire passer le mur temporaire ici, juste à côté de la colonne de plomberie...

- ... les fils électriques vont passer par là...

- ... jusqu'à votre four, dans salle à manger...

- ... pis ici, on va vous installer une cuve amovible. Avec le lave-vaisselle à côté...

- ... peut-être. Le lave-vaisselle à côté.
Là, j'ai eu furieusement envie de hurler de rire. J'aurais juré qu'eux aussi. Mon chum lui, avait les yeux grands, grands. Il ressemble à Albi dans ce temps là, mais c'est un autre sujet.

Faque c'est ça. Faut tout vider la cuisine. Tou-te. Il vont stripper en une seule journée. Le soir, ça va être sur le gyproc. Et je vais avoir ma cuisine de brousse.

Avec peut-être pas de lave-vaisselle.

Jour 43

lundi 26 septembre 2011

Géopolitique et pâté chinois

Des fois les repas avec quatre enfants sont chaotiques, mais il arrive aussi qu'il se passe quelque chose sans que tu saches trop comment ça commence... Ce soir, je pense que c'est avec une question d'Éloi.
- Maman, admettons qu'on est en chicane toi et moi. Si moi, je pense que j'ai raison et que toi aussi tu penses que tu as raison, ben personne a tort, hein? Ça dépend du point de vue.
Dimanche soir, j'étais seule avec les enfants. Pour souper, je ne sais pas pourquoi, je leur ai proposé du pâté chinois et ils étaient fous de joie.

Le relativisme, ça me fait plaisir chez mon presque 10 ans. Un moment donné, l'univers continuellement divisé entre les-méchants et les-gentils, ça va faire.

Sauf qu'en même temps, c'est tu énervant rien qu'un peu les gens pour qui tout s'équivaut... Des méchants, y'en a pour vrai, tsé!
- Hitler par exemple les boys. Même si lui pensait qu'il avait raison, bien il avait tort.
Six yeux rivés sur moi.
- Pourquoi il avait tort?
- Pourquoi il faisait la guerre?
- Pourquoi il s'appelait Hikler?
- (Éloi + Ulysse: *roulent des yeux*) HiTTLÈR, Albert. Dégage!
(Albert dégage, retrouver Blanche qui préfère ses petits trains à l'histoire du 20e siècle)

Et puis me voilà à expliquer le nazisme, 1933, les Alliés, les puissances de l'Axe, le front russe...

Je mime la position géographiques des pays avec mes mains, mais visiblement, à l'heure du 2.0, ce n'est pas assez interactif. Alors mon Ulysse se lève de table, revient avec du papier et un crayon à mine, met son pâté de chinois de côté, et dessine la carte de l'Atlantique nord.
Bon. Tente de dessiner la carte de l'Atlantique nord.

Alors je mets mon assiette de pâté chinois de côté, je prends une de ses feuilles et son crayon et je dessine la bataille de l'Europe. Le mur de Berlin. La guerre froide. Jusqu'en 1990.

Je te jure. On aurait dit Point de Mire.

Leurs yeux, ouverts et vifs, comme si le monde se déployait devant leur pâté chinois.

Avant d'avoir des enfants, c'est quand j'imaginais des soupers comme celui-là que ça me donnait le goût d'en avoir.

mercredi 21 septembre 2011

Premier de classe

Albert s'adapte très bien à sa vie d'élève finalement!

Déjà, il a toutes sortes de réflexions sur sa condition d'écolier:
- Maman, la banane, tu peux la mettre comme dessert la prochaine
fois?
- Tu sais Lucas? Ben sa mère avait OUBLIÉ de lui mettre une
collation!
- C'était très bon ton sandwich maman.
- Qu'est-ce que tu en penses si ma collation, tu la plaçais dans la petite
poche de mon sac, ici?
Ses moments préférés de l'école sont:
  • la collation de l'avant-midi;
  • le dîner;
  • la collation lors du retour à la maison.

  • Quand le lait-école va commencer, il ne va juste pas en revenir.

    Chubby Bert fait aussi très attention à son matériel scolaire.

    Chaque après-midi, sa boîte à lunch arrive impeccablement propre et vidée de toute nourriture. Chaque plat immaculé, bien rangé dans son compartiment et son petit sac à collation immanquablement placé dans la pochette avant de son sac.

    Il est studieux mon Albi. Appliqué à prendre de l'avance sur ses travaux du lendemain. Tellement que j'y perds un peu mon latin. Faut dire que l'école et ses exigences, ce n'est plus comme dans mon temps, hein.
    - Maman, dit-il en me tirant le pantalon pendant que je fais la vaisselle
    du souper, demain là, tu pourrais mettre du pâté chinois dans mon
    Thermos?
    - Euh Albert, c'est que je N'ai PAS de pâté chinois!
    - (gros soupir d'impatience - tête rentrée dans épaules)
    Quand même. Je suis contente de le voir prendre l'école si sérieusement. J'ai toujours su que l'un d'entre eux hériterait de mes formidables capacités intellectuelles. Celui-là me rendra assurément fière jusqu'au doctorat!

    lundi 19 septembre 2011

    Coming out: je suis (presque) végétarienne - AJOUT

    C'est Sylvie M. de Maman marathonienne qui a m'a inspirée à faire mon coming out.

    Je suis (presque) végétalienne depuis maintenant quelques semaines. En fait, pour être franche, je devrais dire flexitalienne. Sauf que comme ce dernier terme me semble un peu imprécis et fourre-tout, je préfère dire "presque végétalienne".

    Qu'est-ce que cela signifie concrètement? Que je mange une alimentation végétalienne au moins les 3/4 du temps. En fait, je ne suis pas végétalienne quand:

    • je suis invitée chez des gens
    • j'invite des gens
    • j'ai envie de manger de la viande (ce qui arrive de moins en moins fréquemment)
    • je vais au resto et je n'ai pas d'autres choix (et je vais très rarement au resto)
    Je ne pensais jamais écrire un billet du genre. Parce que, d'une part, je n'ai rien à prouver. Je n'ai personne à convaincre. Je n'en fais pas une cause, encore moins une religion. C'est un style d'alimentation qui me convient et auquel je vois plusieurs avantages. Si j'ai décidé d'en parler, c'est parce que je trouve qu'il manque de ce genre de témoignage nuancé sur le végétalisme.

    Il y a deux facteurs déclencheurs dans ce choix: la découverte du livre Veganomicon et mes difficultés à gérer ma glycémie. Ok, si je suis franche, il y a aussi une question de gestion de poids: depuis que j'ai eu des enfants, mon poids a grimpé de 5 à 10 livres sans que je fasse de si grands excès. Prenons les choses dans l'ordre:

    1. Veganomicon est un livre de recette fabuleux. Je l'ai découvert alors que j'allaitais mon gros Popold qui semblait faire une intolérance aux protéines bovines. Je me cherchais des recettes sans lait. J'ai finalement acheté le livre. Il a poireauté assez longtemps sur mon comptoir avant que je commence vraiment à l'utiliser. Révélation! Les recettes sont simples et délicieuses et très satisfaisantes. Quand j'ai commencé à cuisiner avec ce livre, je me suis dit: Oui, c'est possible.
    2. J'ai du mal à gérer ma glycémie depuis que je me souviens. Je suis du genre à faire une chute soudaine et à avoir besoin rapidement de manger. Mes difficultés avec ma glycémie se sont accentuées avec l'âge mais aussi avec la course à pied. À force d'essais et d'erreurs, j'ai fini par parvenir à la contrôler assez bien, sauf que... j'ai pris 10 livres! On me disait de manger plus de protéines, mais ça ne fonctionnait pas. Puis, au printemps, j'ai réduit considérablement mon entraînement. Les choses allaient mieux. Au même moment, j'ai commencé à adopter une alimentation de plus en plus végétalienne. Mes problèmes de glycémie étaient presque disparus. Je ne savais pas si c'était la baisse d'entraînement ou l'alimentation mais lorsque j'ai repris un entraînement sérieux, je n'ai pas ressenti de problèmes de glycémie. Au contraire, je la trouvais plutôt stable pendant l'entraînement et je récupérais plus rapidement après. Surtout, je ne me réveillais plus vers 4h du matin affamée!
    3. L'expérience me semblant concluante, j'ai poursuivi sur cette voie. Et, grand dieu, j'ai perdu du poids! Alors qu'une alimentation traditionnelle sans excès me permettait d'atteindre un poids parfaitement santé mais au-dessus de mon poids ALE (avant les enfants), une alimentation (presque) végétalienne m'a permis d'atteindre ce poids mythique! Je n'ai pas faim, je mange beaucoup, souvent, je ne mesure rien (je ne fais simplement pas d'excès de sucre). Si la tendance se maintient, je serai bientôt au poids du début de la vingtaine: un poids parfaitement santé pour ma taille soit dit en passant. J'avoue que ce dernier fait a achevé de me convaincre. J'avoue même que si j'avais pris du poids, j'aurais tout lâché... Je suis de même. Une vraie vaniteuse. J'aime ma taille de guêpe et je tiens à la conserver le plus longtemps possible.

    Je vous invite à lire le récit de Sylvie si le coeur vous en dit et surtout si vous avez quelques problèmes de santé qui pourraient être potentiellement réglés par un changement d'alimentation. Sylvie fait de la haute pression depuis la vingtaine même si elle a un poids santé, elle est sportive, elle mange bien et elle est jeune. Elle a adopté le végétalisme il y a maintenant un mois, et, pour la première fois depuis fort longtemps, sa pression qui était limite haute malgré les médicaments, est maintenant limite basse.

    Je suis profondément fascinée par cette capacité que nous avons de gérer notre corps, d'en influencer le fonctionnement. C'est surtout cela que je retiens de toute cette aventure.

    Et pour terminer je précise que:

    • mes enfants ne sont pas végétaliens
    • si vous m'invitez à souper, je n'ai pas besoin qu'on fasse de chichi pour moi! Je vais me démerder et je mangerai volontiers un peu de viande...


    Annie ajoute:

    Je ne suis (presque) plus végétalienne.

    Pendant presqu'un an, j'ai eu une alimentation composée à 75% de repas végétaliens. Une réflexion sur l'éthique de la viande, des préoccupations économiques et la découverte du livre Vaganomicon ont fait en sorte que j'adopte de plus en plus ce style d'alimentation.

    L'hiver dernier, le vent a tourné.

    J'ai toujours des réflexions éthiques sur la viande (que j'ai quand même affinées), mes préoccupations économiques sont plus présentes que jamais et j'ouvre encore avec plaisir mon livre Veganomicon.

    L'affaire, c'est que je ne me sentais pas bien. Et que, si je suis franche, il y a eu une question de gestion de poids: en quelques mois de régime végétalien, j'ai pris 15 livres sans que je ne fasse d'excès, une totale incohérence pour moi qui a toujours fait des excès sans aucun effet sur mon poids.

    Cette prise de poids rapide a été mon wake up call.

    L'an passé, j'ai été souvent fatiguée, empâtée, j'ai eu du mal avec mon fer et j'avais toujours faim. En faisant lectures et recherches, je me suis aperçue que l'alimentation végétalienne contenait trop de féculents et trop de glucides pour mon métabolisme.

    Féculents et glucides en plus grandes quantités sont liés chez moi non seulement à une prise automatique de poids, mais aussi à la non atteinte de la satiété. Ce qui fait que j'ai toujours cette impression de faim.

    Depuis l'été, mon alimentation végétalienne a été réduite à 20% de mes repas. Un peu comme Manon, j'adore le fait qu'elle agrandisse la palette du possible, mais en petites quantités ou alors en accompagnement de viande.

    De faite, j'ai perdu 10 livres depuis l'été, mon énergie est meilleure et surtout je n'ai plus constamment faim. Plus besoin de supplément de fer. J'ai l'impression de m'être retrouvée. Avec un repas de viande, j'ai besoin de manger beaucoup moins pour obtenir l'énergie optimale et atteindre ma satiété.

    En plus, j'aime ça la viande, ça tombe bien.

    Je suis aussi fascinée par cette capacité d'influencer le fonctionnement de notre corps. Je me rends aussi compte en vieillissant de ce formidable -et cruel- pouvoir de notre corps à influencer sur notre vivacité et notre esprit. Je retiens surtout, encore une fois, que toute la vie se trouve partout, sauf dans les dogmes nutritionnels.

    Nos deux histoires sont tout sauf contradictoires. Elles expriment que l'important au fond, est de rester le seul et unique souverain de son propre corps. Une possibilité que donne de moins en moins cette société qui entretient un rapport si malsain avec le geste de se nourrir et tout ce qui l'entoure.

    dimanche 18 septembre 2011

    Des pommes, du chou et du poulet.

    C'était un dimanche magnifique.

    Dès le départ je l'ai su. En rentrant au travail à 5:00 ce matin, on dirait que les étoiles étaient du cristal dans la nuit. Elles mettaient bien la table pour le soleil qui allait suivre.

    J'adore la lumière ce temps-ci de l'année. Comme du cuivre. J'adore ce temps de l'année.

    On ne pouvait pas ne pas en profiter alors on a décidé d'aller aux pommes. J'ai fait une sieste rapide après le brunch, puis on est parti direction Oka.


    Y'a quand même fallu que je pense vite au souper. Une virée à la campagne, ça se prolonge toujours. Ce qui fait qu'on rentre à la maison un peu crevée et que si on n'a pas pensé au souper, on finit par manger un peu n'importe quoi.

    Le moment propice pour programmer le four et utiliser la cocotte de fonte. Celle que je n'ai pas utilisée depuis l'hiver dernier. Voici ce que j'ai composé à partir d'une très vieille recette québécoise dont l'auteur Michel Lambert m'avait parlé:


    Poulet grillé au chou vert

    1 gros poulet, au moins 2,2 kg
    1/2 gros chou vert (ou 1 petit tsé, mais moi, il m'en restait 1/2 gros)
    1 oignon
    sel
    poivre
    paprika
    huile d'olive
    1 verre de vin blanc
    1 verre d'eau

    Trancher le chou grossièrement.
    Hacher l'oignon.
    Déposer dans le fond d'une cocotte en fonte.
    Verser 1 verre de vin blanc et 1 verre d'eau pour bien couvrir le fond.
    Saler et poivrer le poulet.
    Déposer dans la cocotte, badigeonner légèrement le poulet d'huile d'olive et assaisonner de paprika.

    Couvrir et faire cuire 3 heures à feu doux (300 à 325 degrés).

    À la fin de la cuisson, retirer le couvercle et si désiré, faire dorer le poulet à broil pendant plus ou moins 5 minutes.

    Le poulet, en cuisant tout doucement, rend son jus et vient caraméliser le choux qui devient fondant à souhait. Presque confit quoi. Un délice.

    J'ai servi ce poulet grillé au chou vert avec de l'orge mondé garnie de champignons et d'échalotes sautées.

    Les pommes, la cocotte, le poulet grillé et le chou, ça sent l'automne, oh yes que ça sent l'automne.

    jeudi 15 septembre 2011

    15 minutes pour sauver le monde

    "T'aurais pas mieux fait de rester là-bas? m'a fait remarqué mon homme alors que je revenais d'aller reconduire Victor chez l'orthopédagogue. Faut déjà que tu repartes."

    C'était lundi. Ou la journée où j'ai compris que la routine école-hockey-piano-orthopédagogie-natation venait de reprendre ses droits. Le souper avait été chaotique parce que j'avais oublié que ma fille avait un cours de piano. Oublié aussi que mon fils allait pour la première fois chez une nouvelle orthopédagogue. Pis, tant qu'à faire, je m'étais aussi donné la peine d'oublier que mon homme avait une réunion le même soir.

    Je m'étais subitement rappelé de tout ça entre 17h04 et 17h05, soit au moment où je commençais tranquillement un souper qui se voulait délectable: une sauce maison avec des tomates du marché, des boulettes et du spaghetti, le tout accompagné d'une bonne salade verte et disposé avec élégance sur ma table rouge dans ma cuisine bleue.

    Finalement, à 17h34, j'avais garoché des assiettes sur la table et on avait mangé une sauce tomate pas assez mijoté dans laquelle j'avais jeté une canne de fèves blanches avec pas de salade verte.

    À 17h52, j'étais dans l'auto en train d'expliquer à mon fils pourquoi il y était assis, qui il allait voir et dans quel but parce que si j'avais oublié le rendez-vous, j'avais évidemment surtout oublié d'en discuter avec lui.

    Heureusement, l'orthopédagogue est charmante et compétente. Si, à 17h17, je m'étais brièvement demandé s'il ne valait pas mieux tout annulé, au moment précis où j'avais traversé le pas de sa porte, je savais que la décision était bonne. Mon fils, Annie, mon brillant de fils, il aura toutes les cartes dans son jeu pour s'épanouir comme il l'entend.

    Parle, parle, jase, jase, je suis repartie et suis arrivée à la maison à 18h32. Me restait exactement 18 minutes avant de repartir à nouveau.

    "T'aurais pas mieux fait de rester là-bas?" m'a donc dit mon homme. Il n'avait même pas fini sa phrase que j'avais déjà enfilé mon tablier et mis mes mains dans l'eau de vaisselle en me disant que 15 minutes, c'était toujours bien 15 minutes. Et que parfois, c'est tout ce que ça prend. Trois casseroles plus tard, je lavais la table et y mettait les assiettes du déjeuner, je remplissais la bouilloire et démarrais le lave-vaisselle. Après quoi, j'ai fait les lunchs et plié une brassée de serviettes qui traînait depuis la veille sur mon lit.

    Et je suis arrivée 3 minutes à l'avance chez l'ortho.

    15 minutes. C'est beaucoup dans le fond.

    Bon. Je n'avais pas réglé le sort du monde.

    Mais tsé.

    Quasiment.

    lundi 12 septembre 2011

    Jour 29

    J'avais de suuuper belles photos du jour 29 à te montrer Madeleine.

    Les solives du toit sont arrivées. Pis ils ont strippé la maison sur deux côtés pour tout monter l'étage et le raccorder à la maison. Ils ont travaillé comme des damnés, du bel ouvrage.

    Mais tu les verras pas mes photos.
    Nope.
    À place, tu vas voir elle
    Pis elle.
    Pis celle-là aussi tiens.

    Y'a-tu plu hier soir dans Rosemont?

    En tout cas, nous autres à l'heure du souper, on a eu un méchant orage. Éloi a même ouvert la porte d'en avant pour me dire que la pluie tombait "comme ça", en mettant sa main bien à plat dans les airs. On mangeait de la pizza et tout ce que je souhaitais, c'était qu'il ne manque pas d'électricité, comme l'autre soir. Le soir d'Irène.

    Après le souper, j'étais relaxe à table à feuilleter des magazines de décoration parce que tantôt, je m'en vais acheter de la céramique. Les enfants quittaient la table pour disparaitre un peu partout dans la maison et j'entends Ulysse qui s'exclame en descendant dans la cave.
    - Voyons maman, y'a de l'eau près de la porte!

    - Bin oui, c'est ça mon loup. Mets le tapis par-dessus, ça va l'essuyer, pis continue de disparaître que je fasse mes choses importantes.

    - Mais mamaaaan, ça cooouuule!
    Alors je me lève de table et plus je marche vers l'entrée de la cave, plus j'entends comme des gouttes.

    Tsé, comme un bruit de douche qui coulerait sur un tapis gorgé d'eau?

    Y'avait de l'eau partout Madeleine. Qui coulait tout le long du haut de la porte jusque par terre, sur le tapis. Et dans les escaliers.

    Alors on a couru comme des poules pas de tête dans toute la maison et on a trouvé de l'eau qui coulait le long du mur de l'établi de mon chum et le long du mur du garde robe sous l'escalier.

    Oui, oui, en plein là où je garde plein de boîtes de carton de vêtements 0-82 ans pour les enfants.

    Et ensuite, ça s'est mis à couler le long de ma fenêtre de cuisine et déborder sur mon comptoir.
    - APPELLE L'ENTREPRENEUR! hurle mon chum après que je l'eus hurlé, lui.
    Cherche le numéro de l'entrepreneur. Compose...
    - Oui?

    - Euh, entrepreneur, c'est moi (rire idiot). C'est que, y'a de l'eau qui coule pas mal partout. Dans la maison, genre.

    - Beaucoup?

    - Bin... un peu comme une chute là.

    - [voix très sérieuse] J'arrive.
    En attendant, on essayait de palier au plus pressant: la chute au-dessus de la porte. Ça coulait de partout. Alors on épongeait et on changeait les bacs et on épongeait encore.

    Finalement l'entrepreneur arrive. Évidemment personne n'était trop calme dans la maison surtout pas Blanche qui faisait le bacon toute nue parce qu'elle voulait prendre son bain. Chic vision, heureusement que je n'ai plus aucun orgueil familial. Faut dire que, un peu à la façon de Jean-Guy Rochette, en vrai professionnel, l'entrepreneur est resté coi sur le sujet. De toute façon, c'est un homme de peu de mots.

    Il s'est contenté d'observer les dégâts et de décréter:

    - Je vais aller colmater dehors, vous autres, videz l'établi et le garde-robe. Faut tout éponger et mettre des ventilateurs.

    Euh... c'est que l'établi là, tsé quand on est déménagé y'a 10 ans? Bin y'a des tas de boîtes qu'on a sacré là. Dans le fond de l'établi je veux dire. Pis qu'on a plus jamais retouché depuis en se disant que ça ferait de chouettes fossiles pour les générations futures d'archéologues.

    Pis y fallait vider ça? Là?

    Ouin fallait. Faque on l'a fait.
    Quatre giga sacs industriels à déchets qu'on a quand même sorti de la maison. Pis je soupçonne que mon chum (puisque c'est lui devra tout remettre en place que j'ai décidé), va en sortir quatre autres quand viendra le temps de tout ranger. En plus, j'ai retrouvé un vieux cadre que je cherchais depuis au moins l'époque où je n'avais que deux enfants, c'est te dire...

    Alors là c'est ça, je t'écris du sous-sol, mais je t'entends pas très bien avec les bruits de quatre ventilateurs et d'un déshumidificateur.
    L'entrepreneur a cloué des bâches pendant 1h30 partout à l'étage de la nouvelle partie de la maison. L'eau ne coulera plus qu'il a dit.

    Je le crois.
    - Quand j'ai vu la pluie pis que le téléphone a sonné, je me doutais que...

    - Ouan (rire gêné). Merci d'être venu en tout cas.

    - Je suis désolé. La pluie... on pensait pas... (rire gêné). Bon bin, à demain.

    - Oui, c'est ça à demain. Jour 30.



    samedi 10 septembre 2011

    L'Âshram de la tomate

    Des fois, je sais pas à quoi je pense.

    Mardi midi, je suis allée faire un tour au marché avec Blanche. On avait le temps, il faisait beau, on a flâné parmi les fruits et les légumes qui débordent des stands extérieurs.

    Puis je l'ai vu. Tu sais les gros paniers de tomates italiennes? Ouais, ceux-là, les plus gros des plus gros. Je les entendais clairement tsé: "achète-nous, achète-nous". Alors j'ai acheté. De peine et de misère j'ai glissé l'immense panier dans la voiture et je suis revenue à la maison.


    Et c'est là qu'on dirait que mon cerveau s'est remis à fonctionner. C'est que le panier, il prenait presque toute la cuisine. Avec les travailleurs qui vont et qui viennent dans la maison, du coup il me semblait encore plus immense. Et mon congélo encore plus plein... Mettre en pots?!? Dans le bordel actuel? Oublie ça, es-tu folle. Je ne suis pas comme Manon, moi. En tout cas, pas cette année.

    Il était déjà 16 heures et je me demandais encore ce que j'allais pouvoir faire de toutes ces tomates...

    Je me suis couchée ce soir là, en n'ayant toujours pas trouvé de réponse. Le panier est donc resté devant la porte de ce qui était naguère ma cuisine d'été. D'ailleurs le lendemain matin, j'étais un peu gênée quand un travailleur s'est retrouvé bloqué à l'extérieur: "Oh, attendez. Je tasse mes tomates et voilà! Faites comme chez vous, eh, eh."

    Finalement, mercredi et jeudi, le soir après le travail, le souper et l'occupage des besoins de tous, j'ai enfilé mon tablier et j'ai préparé mes tomates pour la congélation. Ça ne me tentait pas trop quand même et je maudissais ce panier de tomates que j'imaginais pourrir là pour l'éternité. "Crisse-le dans le container chéri, avec la brique pis toute le reste!"

    Reste que y'a quand même quelque chose d'extrêmement réconfortant à faire des provisions pour sa famille. Je sais pas, c'est comme plus fort que la modernité. Mon chum couchait les enfants et moi, je faisais les gestes de l'essentiel, ceux qui nourrissent, qui gardent en vie. À travers eux, c'est moi que ça apaisait. Petit travail spirituel des mains avant de conclure la journée.

    Pourquoi payer pour aller faire du yoga méditatif quand tout, au fond, est dans la tomate?

    Petit sac par petit sac, elles ont fini par toutes entrer dans le congélo.

    Des fois, je sais pas à quoi je pense. Mais y'a des fois où ça fait du bien de pas penser.

    Jour 26