vendredi 13 janvier 2012

Quand la faim n'est plus


Il y a de ses événements qui vous coupent l'appétit : les grands deuils, les grandes maladies, les grands bonheurs. Et les échanges dans la LNH.

" Tu sais pas quoi, est venu me dire mon homme hier soir. Mike Cammalleri s'est fait échangé. Comme je vais annoncer ça à Chichou?"

" Pauvre petit coeur. Il va avoir de la peine, que j'ai répondu, mais il va s'en remettre."

"Moi, je pense qu'il va le prendre durement."

Parfois, je me demande ce que je ferais si je n'avais pas mon homme pour comprendre et élever mes petits hommes.

Mon Achille, grand amateur de hockey devant l'éternel, Mike, c'était son joueur. Faut dire qu'il avait si bien joué en 2010, l'année où Achille, 5 ans, avait déjà un an et demi de hockey sous les patins. Faut dire aussi que leurs tirs puissants étaient comparables, selon mon homme. Faut dire aussi qu'on lui disait toujours qu'ils se ressemblaient.




Mon homme est arrivé, solennel, à la table du déjeuner.

"J'ai quelque chose à vous dire les enfants, a-t-il commencé." Puis prudemment, il leur a annoncé. "Shnout!" s'est exclamé Victor. "Est-ce que je peux avoir un autre verre de lait?" s'est exclamé Rosanna. "Qui ça, papa?" s'est exclamé Léopold. Mais Achille, rien. Il n'a plus parlé.

Heureusement, qu'il avait déjà avalé son gruau, parce qu'il n'a plus rien avalé non plus. Pas sa tartine que son père lui a gentiment préparé en l'encourageant à manger encore un petit peu et qu'il a tassé d'un geste brusque de la main. Pas son deuxième verre de lait habituel. Plus rien.

"Je comprends ta peine, lui a dit son père. Moi, je l'aurais pas échangé Mike. Et puis, c'est le hockey surtout qu'on aime, non?" a-t-il ajouté en prenant tendrement dans ses bras son fils qui sanglotait.

" Tu vas en aimer d'autres joueurs!" aie-je dit maladroitement en ajoutant ses collations préférées dans sa boîte à lunch.

Anéanti qu'il était, on a dû le débarbouiller, l'habiller. Quand mon homme lui a mis sa tuque, il s'est remis à pleurer. J'avais quasiment envie de le garder à la maison. Après tout, les maux de l'âme sont de réels maux. Mais bon. C'était sans doute mieux de l'envoyer se changer les idées avec ses amis.

Alors on l'a laissé partir. On l'a regardé se traîner les pieds derrière son frère et sa soeur, en route vers l'école. Pis je me suis demandé si quand on pleure l'hiver, les larmes glacent sur nos joues.

Méchant Pierre Gauthier. Quand mon fils, à trente ans, ira démêler ses grands traumatismes dans un bureau de psy, je t'envoie la facture.

7 commentaires:

Cora Chelté a dit…

Mais c'est donc ben cute!!! C'est triste toute cette peine qu'a ton fils, mais son admiration est vraiment touchante...

Madeleine a dit…

En effet. Je me verrais mal lui souhaiter de ne plus jamais avoir de héros! Au fond, la tristesse est à la mesure de son attachement, et son attachement est à la mesure de son grand coeur. C'est très bon signe tout ça!

Michèle a dit…

Cute cette question des larmes qui glacent sur les joues. Émotif ton petit homme, sensible. Une belle qualité à conserver!

Une femme libre a dit…

J'adore vos enfants, votre écriture et surtout votre humour!

Madeleine a dit…

Michèle: Il est émotif, en effet. Parfois, ça nous prend de court. En même temps, il est touchant, et drôle, et colérique. Disons, qu'il ne fait pas dans la demi mesure...

Femme libre: Moi aussi j'adore mes enfants! Et je vous renvoie la pareille pour l'humour et l'écriture.

Anonyme a dit…

Madeleine, vous me tirez toujours une larme (j'ai trois garçons). Et c'est vrai que vous écrivez bien.

Rosée

Madeleine a dit…

Bienvenue Rosée (C'est votre vraie nom? Si oui, une splendeur!) Ces garçons, n'est-ce pas qu'ils savent nous toucher!