Dans un très beau commentaire, émis à la suite de mon message initial sur la recherche du dimanche, la mère d'Héloïse parle de sa propre recherche de sens et de rituels.
Dans son commentaire, elle raconte comment elle a essayé, elle aussi, d'instaurer une tradition du dimanche, ancrée autour de la messe et du brunch. Elle y explique son raisonnement: " Le christianisme, écrit-elle, nous le voyons comme un moyen de faire comprendre à nos enfants qu’il existe un étalon à l’extérieur des êtres humains, une Nature immuable, avec ses propres lois, et donc que tout n’est pas relatif, que tout n’est pas du simple recours de la volonté humaine et des contrats établis entre les humains. Cette petite théorie d’un «pseudo-christianisme ayant pour but de lutter contre le relativisme et la perte de sens à la vie» était simple. Mais la question demeurait: comment faire en sorte que ces idées de Nature, d’Étalon se répercutent concrètement dans la pratique, ie dans leur éducation? Ils ont beau être baptisés, ça ne change rien au fond."
Avec un couple d'amis et leur famille, son conjoint et elle décident donc d'aller à la messe du dimanche et de suivre la messe d'un brunch: "On a fait notre rituel messe/brunch à peu près 10 fois… puis c’est mort." écrit-elle. Difficile d'installer une tradition envers et contre tout.
Eh bien, Mère d'Héloïse, je dois te dire que mon propre rituel du dimanche a duré exactement une seule fois, un certain dimanche de septembre, entre 12h et 15h. Eh oui.
Pourtant, c'était chouette. Pourtant, nos invités ont été tout à fait dignes de l'invitation, se présentant à ma porte en habits du dimanche. Il y avait 8 enfants autour de ma table, puis 4 adultes qui se sont partagés mes excellents petits pains viennois, et des oeufs, et du jambon, et des fruits, et du café, et du jus d'orange. La conversation a été bonne. Les enfants ont été sages. Bref, tout pour m'encourager à adopter pour de bon cette pratique.
Puis... C'est mort. Y'a le hockey des garçons qui a changé d'heure, c'est vrai. Puis un peu de fatigue, c'est vrai. Ah oui, il a aussi fallu passer un dimanche à attendre en fil pour faire vacciner les enfants. Puis, il y a surtout eu de la paresse et de la lassitude. Une genre de: " Dans le fond, les rituels et les traditions, c'est-tu si important que ça?"
C'est ce qui arrive quand la tradition et les rituels ne dépendent que notre volonté propre. Cela ne s'arrête pas simplement à un brunch du dimanche raté. Cela va beaucoup plus loin. J'aime être libre de faire ce que je veux de mon dimanche, de ma vie, de choisir l'éducation que je donne à mes enfants. Mais cette liberté absolue a un prix: à force de placer toujours soi-même, et pour soi-même, ses propres balises, s'installe le relativisme absolu. Que veut dire ma vérité personnelle devant celle des autres? Que voudra dire ma vérité de parent devant celle de mes enfants? Que veut dire mon brunch du dimanche devant l'absence quasi absolue de véritables traditions autour de nous? Quelle est son importance? Quel est son sens?
Ça donne le vertige.
Alors, Mère d'Héloïse, me voici de nouveau à la case départ.
Mmmmm. À bien y penser, pas tout à fait à la case départ. La réflexion sur ce problème s'est installée en moi et rien ne pourra la déloger. Je n'ai pas de réponse, encore moins de solution, mais plus de réalisme et de sensibilité envers cette chose, ce sentiment, ce besoin que je peine à définir. Au cours des dernières semaines, j'ai cherché, dans mon quotidien, les rituels qui se sont installés d'eux-mêmes. J'ai cherché à les vivre plus consciemment. Ainsi, au moment de servir ma tablée d'enfants, au lieu de simplement m'exaspérer des inévitables déversements de verre de lait, lirages de mon Popol, fourchettes qui tombent à terre, petits pois qu'on repousse et chaises qu'on balance sur deux pattes, j'essaie de mieux prendre conscience de ma chance d'avoir autour de ma table quatre beaux enfants qui mangent. Ainsi, après le repas, au lieu d'attendre avec impatience que tout ce petit monde se couche, pour faire autre-chose, je m'affale dans le divan du sous-sol et je les regarde jouer au hockey avec leur père. Ça semble simple, mais ça ne l'est pas. Cela tient, presque, de la méditation. De la prière. Et quand j'y arrive, quand je suis présente, patiente, disponible, ouverte, mon coeur se remplit de l'amour que j'ai pour mes enfants.
Je me sens reconnaissante. Profondément comblée et accomplie dans mon rôle de femme et de mère. J'ai l'impression de toucher au divin.
C'est un début.
3 commentaires:
Je pense que ces rituels n'ont pas à être bien complexes, et, comme tu le dis, ils sont déjà souvent présents dans nos vies sans qu'on les remarque...
La chanson avant le dodo en est un bon exemple. Ou de prendre un instant pour parler de nos petits soleils et de nos petits nuages de la journée...
Pour le brunch, ici, on a simplifié ça par des croissants achetés à la boulangerie du coin tous les samedis matins. Les enfants savent automatiquement qu'on est samedi, que c'est le début de la fin de semaine, et ça devient une journée spéciale. Tout simple, et ça a fait dire à mon garçon: "C'est vraiment un beau matin, ça!"
Tu as raison, Mawie. Au fond, les rituels devraient découler du "naturel". Ils devraient être à ce point ancrés dans la vie qu'on n'y pense plus. Mais si tous les rituels ont foutu le camp, on fait quoi? On essaie de réinventer, d'accord, mais comment fait-on alors pour que ça dure? Pour le sens naisse de ce nouveau rituel? Et que fait-on pour que ce rituel ait du sens non seulement pour soi, mais également pour les autres (c.-à-d. sa famille, puis sa famille élargie, puis sa communauté)?
Évidemment, je crois qu'il est important d'apprécier le quotidien. Je crois que cela est très riche. Je m'y efforce. Mais ne manque-t-il pas tout de même "quelque chose"?
Ce quelque chose qui manque, je trouve, humblement, que c'est de partager ces rituels familiaux avec d'autres familles, pour sentir comme eux et partager avec eux ce plaisir de voir la beauté de la vie. Il faudrait nous réunir plus souvent... plus que simplement à Noel...
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