lundi 14 juin 2010

De la variabilité de l'appétit et de l'attention

Mon aîné mange moins ces jours-ci. En fait, son appétit est plus variable. Avant, il était prévisible : il dévorait le matin, mangeait bien au dîner, et le soir, ça dépendait de ce qui était servi. Autant pouvait-il avaler trois hamburgers en moins de quinze que picosser deux cuillerées de riz pendant 30 minutes.

Là, c’est plus variable. Assez imprévisible. Pas inquiétant, mais différent.

C’est que mon fils vient de commencer à prendre methylphenidate. Pour ceux qui ne savent pas, c’est un psychostimulant mieux connu sous le nom de Ritalin. Oui, mon fils a un trouble déficitaire de l’attention, un TDA pour les initiés.

J’ai longuement hésité avant d’écrire ce message. La peur d’être jugée. Ça reste tabou, le TDA. Et il y a beaucoup d’incompréhension entourant ce trouble. Même moi, jusqu’à dernièrement, je n’y croyais pas vraiment. J’avais l’impression que c’était un truc moderne de rendement, de compétitivité. Un problème de parents ne sachant pas discipliner leurs enfants. Quelque chose provoqué par une trop grande consommation de télévision et de jeux vidéo. Je crois encore que c’est un peu vrai. D’ailleurs, on sait que ce n’est pas seulement biologique, le TDA, c’est aussi une question de milieu de vie. On peut naître avec un TDA, mais on peut également en exacerber les symptômes. En fait, c’est un trouble complexe à définir et les causes ne sont pas claires. Les résultats non plus. Beaucoup de gens ayant un TDA réussissent très bien leur vie. Pour d’autres, c’est tout le contraire. Les prisons seraient pleines d’anciens enfants TDA n’ayant pas été encadrés, aimés, soutenus.

Quand j’ai commencé à soupçonner le TDA pour mon fils, je me suis tout de suite braquée contre la prise de médicaments. Parce que plus que le TDA, c'est la prise de médicaments qui est tabou. Je me disais: Pas nous. Oh non! On allait être plus forts! On a très bien réussi, d’ailleurs, à la maternelle, puis en première, puis en deuxième année. Et puis là, pouf! les échecs ont commencé à s’accumuler. Pas seulement à l’école, mais ailleurs aussi, dans beaucoup d'activités que mon garçon entreprenait. Malgré son courage, son travail, son ardeur, son enthousiasme initial. Le TDA s’infiltre partout. Parfois, pour le mieux (comme quand mon fils peut jouer pendant des heures, seul, dans la salle de jeu à s’inventer des guerres avec des engins fabriqués en Leggo), parfois pour le pire (comme quand mon fils a repris quatre fois son cours de natation de groupe parce qu’incapable de coordonner suffisamment ses mouvements pour rester la tête hors de l’eau).

« J’aimerais beaucoup mieux me concentrer, me disait mon fils, mais j’y arrive pas. Je pense toujours à mes Transformers. » Ça, ça rentre droit au coeur.

Moi, j'ai été une mère tout à fait typique. D'abord gonflée de courage, j’ai fini par dire tout ce que je m’étais juré que je ne dirais jamais : Fais un effort! Concentre-toi! C’est de la paresse! Aller! Réveille-toi! Travaille! Dépêche-toi!

Il fallait un changement de cap. On avait beau offrir le meilleur encadrement qui soit, chercher par tous les moyens à stimuler notre patience, notre amour, notre compréhension, ça n’allait plus. J’ai commencé à voir les médicaments comme un outil parmi d’autres plutôt qu’une fin en soit. Comme me l’a expliqué une pédopsychiatre, le médicament peut aider à mettre en place des stratégies, à regagner la confiance. Ce peut être une solution transitoire. Et comme me le disait une travailleuse sociale, il faut faire la différence entre prendre des médicaments pour se débarrasser d’un problème et en prendre pour aider à le solutionner.

Alors voilà. Je le dis. Sans honte mais avec un peu de crainte, tout de même. Je m'appelle Madeleine et mon merveilleux garçon a un TDA et prend du methylphenidate. Et il en prendra tant qu'il en aura besoin.

Maintenant, il va falloir revoir notre politique « Finis ton assiette ».

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Pour ceux qui vivent la même chose que nous, je vous suggère fortement cette lecture d’un psychiatre américain Delivered from distraction. Bien écrit, bien documenté, très éclairant. Et très drôle. On y apprend surtout les bons côtés du TDA. Et puis, parfois, aussi, on y apprend qu’on a nous-mêmes très probablement un TDA. Mais bon, ça dépend du lecteur!

5 commentaires:

Myriam a dit…

Thomas, 4 ans, a rencontré une psychologue ce matin, une femme vraiment bien, qui nous a gentiment mais fermement mis sur la piste du TDA. Notre devoir pour la semaine est de se renseigner sur ce trouble. Ce billet tombe donc vraiment à point.

Je me souhaite une belle ouverture comme la vôtre, parce que moi aussi quand j'ai entendu ces mots, je me suis dit: ah non, pas du Ritalin.. :-(

Manon a dit…

Une copine a un garçon avec un TDA (sans H) aussi... Elle aussi n'était pas pour ça au début. Maintenant il prend du concerta (du ritalin, mais avec un mode de libération du composé médicamenteux différent du ritalin ordinaire) et ça va mieux. Son garçon est capable de s'appercevoir de la différence facilement.

Il demande même a les prendre, car tout va mieux avec les amis quand il prend sa dose de concerta. Pour lui c'est comme une punition de lui enlever. La tâche est trop difficile et son attention perdue.

Ton histoire me fait penser à la sienne... L'encadrement plus serré reste grandement nécessaire malgré le médicament. Le médicament est pour elle aussi un outil de plus.

Moi, j'adore ce petit garçon curieux et serviable ;)

Madeleine a dit…

Myriam: Tu as le droit de te donner du temps, tu sais. J'aurais pu opter pour une évaluation et des médicaments bien avant, mais on a pris notre temps et je ne le regrette pas. Je ne me sens pas bousculée dans cette décision. Je trouve ça plate, mais j'avance avec confiance. Informe-toi et lis beaucoup. Des choses positives aussi, parce qu'il y en a.

Manon: Curieux et serviable... C'est mon Victor ça! Ici aussi du Concerta. J'ai écrit ritalin parce que c'est le plus connu.

MJ a dit…

Madeleine, je comprends parfaitement. MM a également un TDAH. Ce n'est pas tant le tabou, mais le jugement qui fait mal. Le fait de se sentir inadéquate, de parfois perdre patience, d'être juste une mère, alors qu'on voudrait tant leur éviter la peine. Nous n'en sommes pas encore à la médication, le psy ayant jugé qu'avec un bon plan d'intervention et la collaboration de l'école, on pourrait encore faire un bout. Et de fait, depuis quelques mois, ça va mieux. Mais de voir ma fille pleurer en me disant qu'elle n'a pas d'amies, qu'elle mange seule et qu'elle est toujours toute seule à la récré m'a brisé le coeur plus d'une fois. Ça va mieux, elle a maintenant des amies et le weekend, le téléphone sonne pour elle plus souvent que pour nous! Mais je reste ouverte à l'idée qu'un jour, le médicament sera peut-être nécessaire.
Et je me console en me disant qu'il y a pire, bien pire...
http://www.chroniquesdupatio.ca/2007/06/08/ma-fille-cette-enfant-differente/

Madeleine a dit…

Merci MJ!

Ce n'est pas facile, c'est moche, mais en même temps, quel soulagement de savoir! Depuis le temps que je me questionnais à savoir si c'était moi qui avais trop d'attentes ou lui qui avait vraiment plus de difficultés, maintenant je sais que nous n'y étions pour rien, ni l'un, ni l'autre. Vraiment, j'avance avec confiance.

Chaque jour, mon fils me fait un bilan de sa journée. La différence est marquante. Il est le même, seulement avec une énergie et une vivacité mieux balancée. Sa confiance remonte. Je n'ai pas choisi de lui donner des médicaments de gaieté de coeur, mais je sais que c'est la meilleure solution pour nous, en ce moment. Plus tard, on verra...