"Ça suffit maintenant, leur ai-je dit. Vous grandissez trop vite. Je veux que vous arrêtiez immédiatement. C'est compris? Tout est parfait comme ça. Bon, sauf Popold. Tu peux grandir un peu, mais pas trop."
"C'est pas possible maman!" m'ont-ils répondu en rigolant.
Pour rire, mon homme les a couché l'un après l'autre sur la table de la cuisine. Avec un bras au-dessus de leur tête et un autre sous leurs pieds, il les a enserrés, comme avec un étau, pour stopper leur croissance, disait-il les dents serrés par l'effort.
"Moi aussi! Encore moi!" criaient les enfants, morts de rire.
Ça n'a pas fonctionné.
Hier soir, mon petit Achille, 5 et demi, qui entrera à l'école en septembre, est arrivé de la garderie tout fier. Il a accouru dans la cuisine en s'écriant: "Maman!!! J'ai une dent qui branle!"
Et elle branlait bel et bien sa petite dent d'en-bas. J'ai touché pour vérifier si ce n'était pas un mauvaise blague. Mais non. Malheureusement.
"Je t'avais pourtant formellement interdit de grandir" lui ai-je dit. "Je peux pas maman, m'a-t-il lancé, parce qu'un jour tu vas être morte!"
Tu as tout compris, mon Achille. Un jour, je serai morte.
Tu grandiras, je vieillirai, je mourrai, tu me survivras. Tu existes pour me remplacer sur terre.
"Ce n'est pas tant que ton fils vieillit qui te dérange, dit mon homme, c'est que tu te vois vieillir à travers lui."
Les enfants, ça marque le temps mieux que n'importe quel calendrier.
C'est vrai, j'aime pas vieillir. J'aime bien acquérir de l'expérience, mais forcément, vieillir ça veut dire plein de choses emmerdantes, comme l'énergie qui baisse oui, mais surtout le corps. Je ne mentirai pas. Je ne veux pas vieillir surtout parce que je ne veux pas que mon corps vieillisse.
*******
Achille, est un impatient. Que sa dent branle, pour lui, c'est une bonne nouvelle. Parce que ça signifie qu'il grandit, ce qui signifie qu'il devient plus fort, ce qui signifie qu'il pourra patiner plus vite, ce qui signifie qu'il pourra bientôt intégrer la LNH.
"C'est quand que je serai grand comme Mike (Camallieri)?" m'a-t-il souvent demandé.
Rien n'est assez vite pour lui. C'est toujours trop long. Sauf s'il mange de la crème glacée, alors ça passe trop vite, y'en a jamais assez. Il me demande alors c'est quand qu'on va en manger la prochaine fois. Et peu importe ce que je réponds il me lance que ça va être trop long.
Impatient, Achille.
Cet été, on va en Gaspésie. En rentrant de la prématernelle en autobus, il me demandait pour la 3678e fois, c'était quand, enfin, qu'on allait en Gaspésie.
"Cet été, mon fils."
"Ah. C'est long! C'est-tu bientôt l'été?"
"Tu vois comme il fait froid aujourd'hui? Eh ben, l'été, je crois bien que c'est dans encore un peu de temps."
Et puis en sortant de l'autobus, il me lance: "C'est quand tu vas être vieille qu'on va y aller en Gaspésie?"
Impatient, Achille.
Impatient pour la Gaspésie. Impatient pour le hockey. Impatient de grandir. Impatient de me remplacer, on dirait bien.
Du calme, ti-gars. Le temps passe vite, c'est vrai. Et tu vas me remplacer assez tôt, c'est vrai.
Mais pour l'instant, c'est moi qui règne. Et puis, les plages de la Gaspésie, quand on va les fouler, vieille ou pas, c'est en bikini que je le ferai.
Je dis ça de même.
"C'est quand que je serai grand comme Mike (Camallieri)?" m'a-t-il souvent demandé.
Rien n'est assez vite pour lui. C'est toujours trop long. Sauf s'il mange de la crème glacée, alors ça passe trop vite, y'en a jamais assez. Il me demande alors c'est quand qu'on va en manger la prochaine fois. Et peu importe ce que je réponds il me lance que ça va être trop long.
Impatient, Achille.
Cet été, on va en Gaspésie. En rentrant de la prématernelle en autobus, il me demandait pour la 3678e fois, c'était quand, enfin, qu'on allait en Gaspésie.
"Cet été, mon fils."
"Ah. C'est long! C'est-tu bientôt l'été?"
"Tu vois comme il fait froid aujourd'hui? Eh ben, l'été, je crois bien que c'est dans encore un peu de temps."
Et puis en sortant de l'autobus, il me lance: "C'est quand tu vas être vieille qu'on va y aller en Gaspésie?"
Impatient, Achille.
Impatient pour la Gaspésie. Impatient pour le hockey. Impatient de grandir. Impatient de me remplacer, on dirait bien.
Du calme, ti-gars. Le temps passe vite, c'est vrai. Et tu vas me remplacer assez tôt, c'est vrai.
Mais pour l'instant, c'est moi qui règne. Et puis, les plages de la Gaspésie, quand on va les fouler, vieille ou pas, c'est en bikini que je le ferai.
Je dis ça de même.
8 commentaires:
C'est fou comme ton texte me parle aujourd'hui... Peut-être parce qu'il y a quelques jours j'ai vieilli d'un an en entrant en même temps dans la trentaine ;-)
Ça commence à être de plus en plus difficile les anniversaires. Moi aussi, il y a quelques jours j'ai eu le mien.
Sauf que je ne révèle déjà plus mon âge...
Un texte magnifique. Drôle et vrai.
Merci Rosemarie. Étrange comme ça soulage de dire la vérité.
Bah, des bikinis 3e âge, c'est très tendance ;)
Très beau texte Madeleine!
Merci Annie. Tu me rassures.
Oh que ça e touche ce petit message. Dieu qu'on est mal prise entre vouloir qu'ils grandissent et ne pas vouloir veillir nous-même...
Vrai Quelque part. Être parent c'est vraiment être sans cesse au coeur de contradictions profondes. Une montagne russe, quoi.
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