mardi 21 juin 2011

Ces repas qui ne goûtent rien

Albi va quitter la garderie. Cet automne, il entre à l'école. La grande, celle de ses frères.

À la garderie, ils avaient organisé un déjeuner. Je croyais que c'était pour dire bonjour à l'été, c'était plutôt pour dire au revoir aux grands qui sont encore petits. Ces 4-5 ans qui rêvent de maternelle et de sac à dos.

La table avec la nourriture était magnifique. Des raisins verts et rouges, du melon rose, des fraises du Québec, du fromage, des pains et des muffins fait par Suzanne la cuisinière. Plein de jus. Et du bon café.

C'est le tout début de l'été, nous sommes dehors sous les feuilles qui laissent percer le soleil du matin. Je suis avec Albert et Blanche, on remplit nos verres et nos assiettes de couleurs. De la nourriture qui danse.

Puis à l'avant je la vois. Une petite scène avec une table pleine de paquets cadeaux. Les éducatrices s'avancent et appellent une petite fille et ses parents. Elles prennent le micro et chantent doucement Gens du pays.

Les fruits ne dansent plus, du coup j'ai moins faim.

Le lendemain de la naissance d'Albert, son père me l'avait pris de sous mon chandail, l'avait mis dans un porte bébé et il s'était rendu à pied à la garderie. Il disait qu'il allait chercher ses fils, mais l'histoire du porte bébé, c'était surtout pour montrer son petit dernier.

C'était hier. Aujourd'hui il a 5 ans et demain, il commence l'école.
C'est à ton tour, mon cher Albert...

Ma nourriture ne goûte plus rien. Les enfants défilent. Surtout ne pas pleurer, se concentrer sur les fruits dans mon assiette. Je suis ridicule, tous les autres parents sont radieux.

Me voilà à lui chanter que je le laisse parler d'amour. Son éducatrice, celle qui l'a connu tout bébé, le serre dans ses bras. Dans le petit paquet, un sac à dos en tissus qu'il a lui-même décoré. On dirait un porte-bébé.

Les enfants grandissent, je comprends. Conciliante, j'accepte même que MES enfants vieillissent.

Mais celui-là, juste celui-là de rien du tout, ne pourrait-il pas vieillir moins vite que les autres? La crainte que le temps ne me le change. De perdre les repères de son petit corps et ses odeurs de bon pain chaud.

Je déteste ces repas qui ne goûtent rien. Lui, il enfile son sac en tissus et file en me disant qu'il joue à l'école.

Basta Albert! Tu ne pourrais pas plutôt jouer au petit nouveau-né qui se love sous mon chandail?

9 commentaires:

Zabie a dit…

Je suis passée maître dans l'art de transformer un petit goûter sympathique en lunch à saveur de petite voix intérieure qui hurle "garder de la consistance, garder de la consistance, garder de la consistance".

Andréane la banane a dit…

Si tu savais Annie, comme hier ce fut pareil pour moi: je suis allée chercher Augustin après sa fête des finissants à l'école, et par hasard, c'était sa fête de douze ans la veille, j'ai eu les mêmes réflexions que toi.
J'ai pleuré, un coup que j'ai été toute seule, oh man,que j'ai pleuré.

Michèle a dit…

J'ai écrit hier mon post un peu sur le même sujet: mon petit Robin qui quitte sa garderie.

À sa pièce de théâtre où il jouait un arbre, moi je suis devenue le saule inconsolable. C'est difficile de pleurer en silence, parmi tant de parents, avec dans le sac à main, un seul vieux mouchoir déjà usé.

Même mon truc pour ne pas pleurer (me dire relish, ketchup, moutarde en rafale!) n'a pas fonctionné!...

misurlenet.com

Annie a dit…

Aw! Vous êtes mignonnes. C'est exactement ça.

Tsé mon coeur de pierre dont j'étais si fière, ben je pense qu'il est sorti 4 fois plutôt qu'une avec mon placenta.

Bouh.

mj a dit…

Mon accouchement a dû déboucher les canaux lacrimaux, parce que depuis, je pleure à chaque événement marquant - en fait, qu'ils le soient ou non, je braille.
Paraît que ça se contrôle. Si vous trouvez comment, laissez-moi savoir...

la maman de Bébéa a dit…

Et imagine, Annie, quand ce sera ta petite dernière qui quittera pour toujours "le monde de la petite enfance"! Quand ma Béa (qui était Bébéa il n'y a pas très longtemps) a reçu son diplome de fin de garderie la semaine dernière, je me consolais intérieurement: "pas si grave, il te reste encore deux bébés"... Dire adieu à cette garderie que nous aurons fréquentée matin et soir pendant plus de dix ans, dire adieu au monde préscolaire ce sera QUELQUE CHOSE...

Madeleine a dit…

Je ne sais pas ce qu'ils ont ces troisièmes, mais le mien, c'est pareil. Il me touche particulièrement. Voudrais jamais, jamais qu'ils vieillissent celui-là.

Pas que je suis insensible aux autres, loin de là. Mais tsé, après lui, ce sera l'autre. Et après, han, après?

la maman de Bébéa a dit…

Après?
Après, on va devenir des grand-mères...

Julie a dit…

Que ça passe vite! J'ai peine à me dire qu'il ne m'en reste qu'un à la garderie. Et je sais que ça me pincera au coeur.

Soit dit en passant, votre lunch pour les finissants était plus sympa que celui qu'on a servi aux enfants qui quittent. Ici, on a choisi du... poulet frit du colonel! :-S

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http://www.la-mere-est-calme.com/2011/06/les-potins-du-dimanche_23.html