samedi 25 juin 2011

La Crise de 29

Dans les années 1930, tout comme le reste de l'Occident, le Canada connaît une grave crise économique. De fait, le pays se place au 2e rang de ceux qui seront le plus touchés. Ainsi, entre 1929 et 1933, 1,5 million de Canadiens vivent des allocations du secours direct. Ça représente 15% de la population.

Montréal, centre économique du pays à cette époque, est frappée de plein fouet: 28% de sa population vit des allocations de l'État.





Les familles qui vivent des secours directs ne reçoivent même pas la moitié de la somme nécessaire pour assurer leur subsistance. Par exemple en 1933, on estime que seulement 55% des adultes et 47% des enfants qui vivent de l'assistance publique s'alimentent suffisamment. Après 5 ans d'assistance, le pourcentage des gens qui présentent des carences alimentaires s'élève à 49%.

Ça me fait penser aux Inuits tiens.

Dans son livre Ménagères au temps de la crise, l'historienne Denyse Baillargeon retrace ce que les femmes cuisinaient: des plats mijotés, des ragoûts, des fricassées, des bouillis. Les plats en sauce, à base d'eau et de farine, représentaient aussi une solution économique parce qu'ils ne contenaient pas de viande.

Comme les familles étaient souvent nombreuses et les revenus plus que limités, il était difficile de couper dans les quantités. C'est la qualité qui écopait.


"Je faisais de la sauce blanche avec des patates, de la sauce blanche avec des oeufs, de la sauce blanche avec des petites fèves, de la sauce blanche avec du saumon. On a mangé pas mal de colle!"

Impossible pour les femmes d'acheter en grosse quantité, ce qui leur aurait permi de faire des conserves par exemple.

"J'ai jamais canné rien; d'abord j'avais pas d'argent pour mettre là-dessus, acheter les pots et acheter tout ce qu'il fallait, j'avais pas d'argent pour ça"; "On avait pas d'argent pour acheter rien. Comment voulez-vous qu'on achète tout pour faire du ketchup, puis des affaires comme ça! On avait une ration de sucre; pour faire des confitures, ça prend bien du sucre; on en faisait pas."
Même si elles étaient ingénieuses, plusieurs femmes interrogées par l'historienne racontent avoir dû se priver de nourriture pour la laisser à leurs enfants. Les jours où il ne restait presque rien à manger, un père de famille s'éclipsait vers l'heure du dîner sous prétexte de trouver du travail afin que sa femme et ses enfants se partagent la nourriture disponible.

"On a souvent mangé des beurrées de moutarde avant que l'autre chèque arrive. Quand on arrivait sur les derniers miles là, on avait un petit pot de moutarde, puis quelques morceaux de pain puis on se disait, on se contenter de ça, qu'est-ce que tu veux, on en a pas plus. Ma belle-mère venait chercher ma petite. Moi, du moment que ma petite mangeait, le reste, je savais qu'on pourrait s'arranger."
La vie était dure, c'était difficile de garder espoir.

"Des fois, je pleurais. Il disait: "Laisse donc faire la poune, on mange notre pain noir; on va manger notre pain blanc plus tard, tu vas voir."

Denyse Baillargeon; Ménagères au temps de la crise

3 commentaires:

Manon a dit…

Annie, Crois-tu qu'on soit à l'abris d'une telle crise?

Michèle a dit…

On vient de s'empiffrer d'un gros 80$ de sushis pour emporter mon chum, mes deux gars et moi...on les a savourés, mais après la lecture de ton post, je me dis qu'on fait la belle vie en &?%&%?$? !....

Annie a dit…

Question intéressante Manon. D'un côté il y a d'énormes différences entre le monde des années 1930 et celui d'aujourd'hui, mais de l'autre le système dominant en ce moment est tellement incohérent qu'un effondrement majeur n'est pas impossible (on se souvient de 2008).

Alors sans faire de la pop-politique, je crois que oui hein. Malgré un monde de différence entre ce temps là et maintenant, qu'une masse de gens qui allait pas si mal se retrouve à aller mal pas à peu près, je crois que ça se peut oui, à nouveau.