mercredi 2 septembre 2009

Mon dîner avec Victor

Quand j'étais petite, je dînais à la maison, tous les jours.

À la cloche, c'était presque toute l'école qui se vidait dans la cour. Nous quittions en horde, traversions les rues insouciants avec l'aide d'une brigadière, courrions affamés jusqu'à la maison pour y dévorer notre repas.

Souvenirs délicieux des bons sandwichs de ma mère, des marches avec les copains dans les rues du quartier, des quelques mauvais coups.

Quand je suis devenue mère, j'ai rêvé de cela pour mes enfants. Rêve vite confronté à la réalité. Signe des temps, nous n'avons pas inscrit notre petit chérubin à l'école du quartier, mais dans une école un peu mieux, un peu plus loin, un peu trop loin. Malgré mon boulot à la maison, Victor dînait à l'école, avec sa boîte à lunch. Lui, de toutes façons, ne s'en préoccupait pas. N'était-il pas, depuis des années, habitué à passer toute la journée loin de ses parents, à la garderie?

Vint un quatrième bébé qui força le déménagement du clan. C'est à sept minutes à pied de l'établissement scolaire en question que nous avons élu domicile. Et mon Victor, devenu grand, peut maintenant dîner à la maison.

À la cloche, ils sortent, huit ou neuf, pour entrer chez eux. Victor marche avec son ami Zach. Ils traversent la rue seuls, prudemment, puis se saluent, l'un partant à gauche, l'autre, tout droit. Les deux mains dans les poches mon Victor déambule seul dans le quartier, le nez en l'air, rêvassant et prenant son temps.

Chez lui, il y a parfois les bons sandwichs de sa mère. Bien souvent, c'est n'importe quoi. Comme des restants de la veille ou des oeufs cuits vite fait dans la poêle. Parfois, luxe suprême, il peut se faire des toasts au beurre.

Temps volé à ma journée de travailleuse. Temps précieux et irremplaçable qui vaut bien mieux que tous les dîners entre collègues.

3 commentaires:

Annie a dit…

C'est un très beau texte Madeleine, merci.

Anonyme a dit…

Quelle chance il a ton Victor. Et quelle chance tu as toi aussi.
Nathalie

Anonyme a dit…

J'aime le texte, mais aussi, beaucoup, le titre. «Mon dîner avec André» est un de mes films préférés.