mercredi 10 août 2011

Les dernières roses

Ces roses sur ma table, ce sont mes dernières. Pas de la saison, mais bien de ma vie.

Hier, j'ai découpé cet immense rosier en pièces. À mains presque nues à sentir ses épines dans ma chair.

Ma voisine, celle qui est née dans cette rue il y a plus de 70 ans maintenant, me voyant travailler d'arrache-pied, me lance:
- Pas de lui aussi madame, vous ne devez pas vous débarrasser de lui aussi...
Hep Mme Germain, de lui aussi. C'est que, comme le cèdre du devant et les lilas du côté, le rosier et tous ces arbustes que je vois chaque jour depuis maintenant dix ans sont dans le chemin.

Dans le chemin de ma maison de rêve.

Alors on arrache. On coupe. On jette.
Des images de cette maison-ci partent depuis une semaine, petits bouts par petits bouts, arrachés à bout de bras par la vigueur de mon marteau ou de ma scie.

Vachement thérapeutique.

Dix ans de cette vie s'envolent d'un coup et ne reviendront jamais. Comme le reste quoi. Dix ans de soupers sur cette terrasse. Dix ans de floraisons. Dix ans d'ouverture de cuisine d'été.

Arrache. Coupe. Jette.

Dix ans d'une maison qui nous a vu arriver deux et qui nous endure maintenant six. Ne vois-tu donc pas, maison, que pour mieux respirer, on doit étouffer ce qui est dans le chemin?

Mais ces roses! Semblables à cent mille roses et pourtant uniques au monde.

- Le rosier, me dit sournoisement ma voisine, il était là du temps de Mme Packon vous savez...
Je me suis quand même arrêtée un instant. Mme Packon. Propriétaire originelle. Elle s'était installée dans cette maison il y a 60 ans pour y vivre jusqu'à sa mort, qui était venue la chercher juste en haut, dans son lit. Bien dans notre chambre là. Celle qui a vu naître trois de nos enfants.

Une mort. Trois naissances. Un rosier arraché. Tout ça tourne.

Et là déjà, je me mets à espérer une renaissance qui me semble, à cet instant, pourtant si loin.

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