mercredi 17 février 2010

Élisabeth Badinter (Ajout)

Elle n'aimerait pas notre blogue.

Dans son plus récent livre, la philosophe féministe dénonce la "tyrannie de la maternité qui renvoie les femmes à la maison". Elle note également "la montée en puissance d'une idéologie naturaliste qui, par son exaltation de la maternité, tend à les renvoyer à leur seule fonction de mère nourricière".

Non, elle n'aimerait pas notre blogue. Nos recettes de pain maison. Nos entrées sur la nourriture bio. Nos réflexions sur le savoir-faire des ménagères. Que dirait-elle de nos photos en tablier? Et bon sang, si en plus elle savait qu'on publie un livre sur l'allaitement!

C'est clair, nous sommes les porte-paroles de ce puissant lobby de régression.

Heureusement, on a un travail rémunéré. Ça nous sauve du jugement dernier.

Es-tu féministe Madeleine?

Pour ma part, je croyais bien que oui. Jusqu'à hier.

Je croyais que d'avoir mes enfants au moment où je les ai voulu était un choix féministe.

Que de les avoir chez moi, comme je le voulais, était une position féministe.

Que de les allaiter selon mes termes était féministe.

Que de pouvoir organiser ma vie en fonction de tout ce qui me tient à coeur était un leg féministe.

Je croyais que de définir ma maternité selon mes valeurs était une façon d'être féministe.

Je n'ai pas lu le livre de Badinter, mais hier en fouillant les articles, les blogues et les commentaires sur le sujet, j'en suis sortie confuse.

J'allaite comme une guenon.

Mes bébés sont une manifestation de la domination masculine.

Mes accouchements sont un refus du progrès.

Mes couches lavables sont un acte terroriste.

Ma cuisine maison est une régression.

Ma maternité est une défaite.

Mes choix sont des aliénations.


Te sens-tu aliénée Madeleine?

On me dit que je ne suis plus féministe et me voilà un peu mêlée.


Alors je vais arrêter de faire mon pain.

Je vais sevrer ma fille.

Je ne vais plus m'inspirer de mes grand-mères.

Je ne chercherai plus à me voir aussi à travers les yeux de mes enfants.

Je ne les appellerai plus mes enfants.

Je ne me ferai plus appeler maman.

Je vais arrêter de bloguer.

Je vais retirer mon nom de notre livre.

Je vais me débarrasser de mon tablier (désolée Madeleine).

Ainsi, je serai

L

I

B

R

E m a n c i p é e .



Madeleine dit:

Ce discours féministe me rend folle. C'est le même discours qui proclame que les congés de maternité qui ont été mis en place par plusieurs pays sont une conspiration pour écarter les femmes du marché du travail. Ce même discours qui nie la maternité comme manière valable de vivre sa vie de femme. L'instinct maternel n'existe pas. La femme ne serait qu'une construction sociale. Badinter est la fidèle héritière de Beauvoir.

D'aussi loin que je me souvienne, je suis féministe.

Depuis l'adolescence, je ressens un malaise profond face à ce refus de la maternité de certaines féministes. Déjà, je vivais au fond de moi les contradictions alors que s'entrechoquaient mes désirs les plus vifs: être mère (oh oui mère de plusieurs, plusieurs enfants) et m'épanouir professionnellement. J'ai lu Badinter et Beauvoir sur les bancs d'université. Heureusement, j'ai aussi lu Greer et Houston. Heureusement, mon besoin d'être mère était plus fort que tout. Heureusement, j'ai aussi su que j'avais le droit d'avoir des aspirations professionnelles.

Heureusement, je suis née à une époque ou tout est possible.

Ce qui me choque le plus dans ce premier discours féministe est le quasi culte qu'il voue à l'émancipation professionnelle. N'est-ce pas là aussi une aliénation? Un besoin de recevoir l'approbation du monde masculin? Un besoin presque maladif de reconnaissance?

Et ce qui me choque encore plus est ce besoin de certaines féministes de dire aux femmes ce qu'elles doivent faire de leur propre vie: n'est pas là une forme de paternalisme? Ont-elles si peu confiance en l'intelligence de ces femmes qui font d'autres choix que les leurs?

Bien sûr, la maternité vécue comme unique épanouissement a ses écueils. Il faut aussi le dire. Mais pourquoi faut-il toujours qu'on le dise sans nuances?

Et si l'équilibre était plutôt à privilégier?

Je l'ai trouvé, mon équilibre, grâce à l'amour et l'énergie que je mets dans tout ce que je fais: dans mon travail, dans ma cuisine, dans la vie de mes enfants, dans ma chambre à coucher (oh!). L'amour génère l'amour. La vie génère la vie.

Annie, elle est là, la liberté... et elle s'habille très bien d'un joli tablier.

8 commentaires:

La Mère Michèle a dit…

C'est fou ce que ces femmes (émancipées-libres-féministes, etc) peuvent s'inventer comme inepties pour justifier leurs choix n'est-ce pas? Elles ont un besoin viscéral de passer à l'attaque, de plus.

Manon a dit…

Moi j'ai vécu la situation du gars à la maison et la fille au boulot avec ma première fille...

La société n'est pas rendue-là non plus! Même les ultra-féministe lève le nez là-dessus.

Alors, je crois qu'on est simplement dans une société avec une majorité de gens qui se regarde le nombril et qui trouve que les enfants c'est casse-pieds... En fait, ça les oblige à quitter le rang des enfants-adolescents et à devenir des adultes... ça les oblige à quitter leur petit confort, le "connu" pour aller vers l'inconnu.

Enfin, moi je fais ma petite affaire et j'essais de récupérer ce qui autrement pourrait se perdre pour longtemps... Ce qui, je crois, ne serait pas bon de perdre à cause de quelques comiques!

Aussi, de mon côté, je trouve que c'est toute cette course contre la montre, cette vie effrénée qui n'a pas de sens... (et souvent pour se procurer des bébelles que j'en ai dont rien à cirer) Je préfère, de loin, vivre ma vie comme je l'entends et non comme d'autre voudrait qu'elle soit!

Chantaloup a dit…

J'ai commencé par lire vos entrées, et ensuite j'ai cliqué sur tous les liens, sans exception, et j'ai tout lu (enfin presque)! J'ai donc passé la journée à réfléchir au rapport étrange et ambigü que le féminisme entretient avec la maternité.

Je ne comprends toujours pas comment cette classe de féministes à la Badinter trouvent gratifiant de rejeter l'amour que la mère porte envers les siens. En quoi s'agit-il d'une amélioration de la condition féminine?

p.s. Puis-je conclure par le lien sur votre livre (comme je l'ai mentionné, je les ai tous cliqués :-)) qu'il est maintenant publié?

oknotok a dit…

Merci pour cette réflexion.

À l'université, j'ai fait un cours de philo & féminisme. J'en suis ressortie convaincue que je ne l'étais pas, du moins pas au sens ou les radicales l'entendaient.

Pour moi, l'avancement des choses c'est d'avoir le choix et non pas de suivre un chemin tout tracé par une idéologie, quelle qu'elle soit.

J'ai choisi la maternité, et j'ai choisi la façon dont je voulais la vivre, et c'est ça la beauté de la chose.

Annie a dit…

Je n'ai pas pu m'enlever ça de la tête de la semaine. Je lisais aussi qu'elle semble, en entrevue du moins, atténuer ses propos en parlant maintenant de "liberté de choix".

Ce qu'elle dit n'est pas sans valeur, mais la violence et l'unilatéralité de ses propos m'ont laissé un drôle de goût.

En même temps, comme tu le dis Chantaloup et comme Madeleine le mentionne dans son mot, l'enfantement a nécessairement été central dans la réfléxion féministe. D'où son rejet ou sa "glorification". C'est comme un peu ce qui fait la différence biologique entre les hommes et les femmes mettons...

Chantaloup, notre livre sort en mai :)))

Joëlle Lemire a dit…

De ce que j'en lis de ce résumé, je trouve que Badinter n'aurait rien d'avant-gardiste dans son discours, on se croirait dans les années 1980... Un autre qui projette encore la femme vers des valeurs masculines. À quand le retour des valeurs féminines? Pour moi, le féminisme, ce n'est pas de pouvoir faire comme les hommes, mais plutôt d'être fière d'être capable de faire des choses que les hommes ne peuvent pas! Il y a 30 ans, les valeurs féminines étaient valorisées entre les femmes, mais à l'heure actuelle, ni les hommes, ni les femmes ne les valorisent. Le féminisme recule en ce sens...

Annie, merci de te porter à la défense de ce qui nous reste!

Joëlle Lemire a dit…

Ce sujet me travaille dans la tête encore ce matin!

Je vous invite à lire ceci, qui n'a rien à voir avec Badinter mais va peut-être vous réconforter! : http://www.radio-canada.ca/par4/tran/princfeminin.html

Madeleine a dit…

Merci pour le lien Joelle. Et je comprends que tu sois habitée par les propos de Badinter, je le suis aussi! Ça nous remue!