mercredi 3 février 2010

Mode survie

Est-ce que parfois tu fais semblant que tu n'as pas à faire l'épicerie?

Dans ton frigo, il n'y a presque plus de fruits, presque plus de légumes, surtout pas de fromage, et certaines denrées essentielles commencent à manquer et pourtant, tu t'obstines à ne pas faire l'épicerie. Ça t'arrive?

C'est mon cas depuis... le mois de décembre.

Rassures-toi, je n'affame personne. Je vais bien de temps en temps À l'épicerie, mais je ne FAIS PAS l'épicerie. À l'occasion, j'achète des fruits et des légumes frais. Quand certaines denrées essentielles s'épuisent (des oeufs, de l'huile, du sucre) je note sur un carnet et j'attends d'avoir une petite liste, puis j'y vais. Mais sinon, c'est le statut quo.

J'attends. J'hiberne. Je décongèle.

Parfois, on me demande des comptes. "Y'a rien à manger, maman!" et je me montre évasive "Oui, je sais. Il faut que je fasse l'épicerie bientôt." Pour éviter les vives protestations, je fais diversion: je cuisine des gâteaux blancs, des biscuits à rien, je sors des compotes de pommes du congélo. Sinon, je vis d'inventivité, de répétitions, de simplicité. Et puis, je vide. N'aie-je pas fait des réserves cet automne justement pour pouvoir paresser cet hiver?

Ce n'est pas que je n'ai pas envie de cuisiner, au contraire, je ne veux simplement pas me rendre à l'épicerie: les produits sont moches, trop chers, viennent de trop loin. Je n'y suis pas attachée. Ça ne me dit rien.

J'aimerais beaucoup que ma famille se satisfasse de rien. "Qu'est-ce qu'il y a pour souper m'man?" "Des graines de tournesol, et des amandes, de la compote de pommes, et des patates." Je ne sais trop pourquoi, ils protestent.

Malgré tout, je continue de procrastiner. Encore du temps, un peu de temps, je vais bien finir par me ressaisir.

Il le faut d'ailleurs. Dans le congelo, plus de viande. Si, dimanche, je ne sers pas à mon homme sa seule et unique (et insuffisante) ration hebdomadaire de viande rouge, j'ai bien peur qu'il se trouve une autre famille. Et puis, je veux pas. Je préfère qu'il reste. Je le trouve plutôt chouette.

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Évidemment, mon mode de survie n'a rien à voir avec le leur.

L'aide alimentaire vient de débuter à Haïti. On donne les aliments aux femmes en priorité. Parce qu'elles sont plus calmes, dit-on dans l'article. Peut-être aussi parce qu'on est plus certain que la nourriture qu'elles iront chercher ira à leurs enfants. En donnant à une mère, ne nourrit-on pas une famille? Et en nourrissant des familles, ne nourrit-on pas une communauté?

C'est comme ça que, petit à petit, se rebâtit un pays.

7 commentaires:

Manon a dit…

@Madeleine

On sent que tu compaties beaucoup...

Annie a dit…

Ça m'arrive. Mais je déteste ça. Parce que c'est souvent signe que "quelque chose" ne va pas. Soit dans mon organisation, soit dans mon corps ou dans mon âme. Même chose quand je n'arrive pas à faire mon pain.

Ça me fait penser. Quand il ne reste plus rien chez nous, généralement, il reste au moins des flocons d'avoine. La dernière fois où je n'avais pas fait l'épicerie, j'ai su que c'était trop quand c'est tout ce qu'il nous restait pour souper.

Misère, tu aurais du voir les gars. Comme si je leur avait coupé la main. In-con-ce-va-ble de manger du grau pour souper. Une détresse dont ils ne se sont pas remis. Au coin du feu le soir, ils sont comme ça:

Ulysse: "Tu te rappelles Éloi quand on avait mangé du gruau pour souper?"

Et ils font des cauchemars.

***

Au moins Madeleine, tu as remonté le moral de Dem (voir son commentaire à mon autre entrée).

Madeleine a dit…

Manon: Tu veux dire que je compatis avec les Haïtiens? Oui, beaucoup. En effet, c'est peut-être pourquoi je vis avec un frigo vide. Tu tiens quelque chose...

Manon a dit…

@Madeleine

C'est ça...

Tout cas, moi des fois ma compassion dicte mon comportement de façon insconsciente ;)

Anonyme a dit…

Mado!

Tu dois (ceci n'est pas une recommandation, c'est un ordre)...

Tu dois donc voir Julie & Julia. Ne pose pas de questions; loue le film...

Tu me remercieras après.

Ton père qui sait bien des choses. Et on obéit à son père.

Madeleine a dit…

Message reçu papa d'amour.

Annie a dit…

C'tait pas ce film qu'on était censé voir ensemble?

Dans un salon du livre un soir, on se le louera sur notre Ipad.