Un héros obscur.
Le 31 décembre au soir, on se faisait une fondue et je la voulais avec des pommes de terre au four. Ouan, les patates au four, ça fait quelque chose à patienter pour l'appétit des enfants pendant que leurs viandes cuisent.
Alors je les place au four les patates, dresse la table, prépare les sauces, dispose les viandes dans des assiettes et juste avant d'inviter la smala à se mettre à table, je viens pour sortir mes pommes de terre et saint-sicroche que je me dis, j'ai oublié d'allumer le four!
Merde, c'est que je les veux vraiment ces patates. Alors replace les tubercules, reprogramme le four et attends.
Sauf que rien. Parce que bon sang, le four ne marche plus!
Catastrophe.
Mon chum me dit de ne pas m'inquiéter, qu'il va le réparer lorsqu'il aura cuvé son mousseux. Je sais pas pourquoi mais ça m'a encore plus foutu les boules.
Ce matin, il téléphone à son frère, électronicien en avionique. Discussion interminable à quatre pattes devant le four puis abdication. Ça l'air que les avions, c'est moins complexe en circuits électriques que les cuisinières, genre.
Va falloir appeler quelqu'un, soupire mon intellectuel de chum.
Ben oui toi, essaye de trouver un technicien GE dispo un 2 janvier. Putain d'année qui commence mal.
J'étais prête à sauter de mon balcon lorsque mon chum, se servant avec dextérité de mon nouveau iPad, hurle qu'il a trouvé quelqu'un.
Au point où j'en suis, on n'a rien à perdre.
L'homme finit par se pointer avec une camionnette bringuebalante. Il doit bien mesurer trois pieds et il est rond comme une boule de quille. Sérieux, je suis certaine que c'est un gnome. Il entre avec un coffre à outils plus grand qu'Albi qu'il déploie tel une serviette sur du sable doré. Le coffre qu'il déploie, pas Albi, qui s'est plutôt enfui à la vue du farfadet.
Mon chum a des yeux grands comme ça et moi je commence à me dire que ça ferait un chouette billet de blogue mais je dois aller couper le braker au sous-sol.
Le souffle court, Jean-Guy Rochette observe ma cuisinière. Derrières ses lunettes, ses yeux sont piquants et vifs. Ses doigts ronds et agiles dévissent un tas de vis à la fois et met rapidement la machine à nue. Cristie que mon four est sale, la honte. Heureusement, Jean-Guy Rochette est un professionnel et il restera coi à ce sujet.
Les grandes manoeuvrent n'empêcheront pas Blanchette de continuer à jouer avec sa petite ferme. Préserver les enfants des grands drames des adultes, voilà une de mes qualités de parenting.
Finalement, c'est l'élément. Jean-Guy Rochette en a des tas dans sa camionnette, je n'en ai jamais vu autant.
Mais
il n'a pas celui conçu spécialement pour mon modèle de cuisinière.
Sauf
qu'il PEUT patenter quelque chose qu'il nous dit.
Patente mon homme, patente. J'ai des fèves au lard à faire demain moi là.
Tout en s'activant, Jean-Guy Rochette s'en prend aux fabricants de cuisinières qui s'arrangent pour faire de l'obsolescence programmée. Bon, ce ne sont pas tout à fait ses mots, mais c'est bien ce qu'il voulait dire: créer des objets en planifiant d'avance leur date de désuétude. Ma cuisinière n'a pas 3 ans, pourquoi est-ce que l'élément lâcherait comme ça?
L'expression n'est pas nouvelle, elle apparaît aux États-Unis dans les années 1930. Elle prend aujourd'hui différentes formes. Jean-Guy Rochette déplore qu'avant, les fabricants utilisaient des pièces universelles, des pièces qui allaient sur n'importe quel modèle. Aujourd'hui chaque fabricant a ses spécifications ce qui fait que le consommateur devient otage du service du fabricant.
Avoir voulu la pièce exacte, il aurait fallu la commander puis attendre ou alors contacter et attendre un technicien GE. Je sais c'est écoeurant, l'obsolescence programmée est la fondation de la société de consommation.
Jean-Guy Rochette lui, est un artisan. Il connaît son métier et il sais patenter. Et il est dispo un 2 janvier. Ça en prend plus comme lui ou alors ils existent déjà et on ne leur rend pas assez justice
125$, four réparé.
Jean-Guy Rochette, résolument en lice pour la personnalité de l'année 2011.
Mais comme Julian Assange, il est beaucoup trop subversif aux yeux du système dominant pour espérer faire la une du Time.
2 commentaires:
Ton histoire me rappelle celle de ma maman...
Soir de Noël, réception de la famille des 2 côtés (celui de ma mère et celui de mon père)... Côtes levées (ben oui, des fois ya des trucs hors standard!) à faire cuire le 24 au soir pour le party... Le four lâche (sauf que c'était un modèle vert olive avec le frigo assorti, tu te rappelles de ces électro?)... Un coup de téléphone à sa soeur qui reste à un pâté de maison: "Besoin d'un four pour cuisson ça urge c'est pour le party d'à soir!!!" Ma tante a dépanné ma mère pis le four fut changé avant le jour de l'an.
Chanceuse avec M. Rochette ton four fonctionne maintenant!
Je touche du bois pour mes électro... Plusieurs approchent ou ont dépassé leur 10 ans...
Quelle jolie aventure! Votre plume me charme, encore! On parle toujours ben d'un four qui fait la grève...mais c'est si bien dit!
*Je savais, Annie, qu'un jour ou l'autre, voue paieriez en dignité pour votre four sale (je rigole!)...
Tss. Un four sale. Come on.
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