mardi 20 avril 2010

Cher comité du projet « Une boîte à lunch sans déchets »,

J’ai pris connaissance de la lettre que vous avez glissée dans le cartable de mon aîné. Dans cette dernière, vous demandez à mon fils de s’engager à apporter une boîte à lunch sans déchet à l’école. Je suis également au courant que vous avez organisé des ateliers avec les enfants sur le même thème. Je sais aussi que cela fait partie d’un vaste projet qui vise à obtenir le statut d’école verte Brundtland. Mais, pour une raison que je m’explique mal, cette lettre, je l’ai pris personnel, comme on dit par chez nous.

Vous n’êtes pas sans ignorer que ce n’est pas mon fils qui prépare ses lunchs, mais bien sa mère. Ainsi, en demandant à mon fils d’apporter un lunch sans déchet, c’est indirectement à moi que vous vous adressez. Pour le dire autrement, vous utilisez mon fils pour m’atteindre.

La stratégie n’est pas nouvelle. On peut penser à un grand nombre d’organisations plus ou moins recommandables qui ont fait usage de cette même méthode. Mais est-ce parce que la cause est noble qu’il faille fermer les yeux devant les moyens employés pour la faire avancer?

Ah! Vous trouvez que j’exagère? Je comprends. Je sais que votre objectif est respectable. En fait, ce n’est pas tellement vous qui m’irritez. Disons que c’est une accumulation. Mon exaspération grandie depuis des mois, voire des années. Bien sûr, je n’ai rien contre le fait qu’on parle d’écologie avec les enfants, on ne peut pas être contre la vertu, j’en ai contre la façon dont on s’y prend. Non seulement suis-je agacée qu’on cherche à m’éduquer à travers mes enfants, mais j’en ai contre le ton général utilisé pour conscientiser: un ton alarmiste, moralisateur, culpabilisant, qui cherche à effrayer plutôt qu’à informer. Un discours dans lequel les enjeux sont trop simplifiés.

L’année dernière, par exemple, au spectacle de fin d’année, j’ai soupiré en entendant tous les enfants chanter L'hymne à la beauté du monde sur un ton larmoyant et à un auditoire rempli à craquer de parents bienveillants. Je n’en peux plus de ces affiches qui garnissent les murs de votre établissement créées par des enfants m’intimant de ne pas laisser ma voiture rouler inutilement ou de ne pas jeter mes déchets sur le trottoir. Cela m’exaspère lorsque j’entends ma fille répéter des propos sans nuances qui ne viennent clairement pas d’elle. J’en ai marre qu’on utilise la naïveté des enfants pour toucher.

Il serait pourtant possible, cher comité, de faire autrement. D’aborder le problème avec rationalité et nuances en se basant sur les faits. D’utiliser l’humour aussi, pourquoi pas. D’initier un dialogue plutôt que de dicter une conduite. De réfléchir plutôt que de faire peur. Les gestes qui viennent du plus profond de la conscience, qui sont l’aboutissement d’une réflexion, durent.

Mais bon, il faut croire qu’il est difficile de se dégager du discours ambiant puisque vous n’êtes pas les seuls à le tenir.

Sachez que j’ai expliqué à mon fils qu’il n’était pas possible pour moi de m’engager à produire une boîte à lunch absolument sans déchets. Bien sûr, lui ai-je dit, je vais continuer à fabriquer mon yogourt et à le mettre dans des contenants réutilisables. Je vais continuer à remplir la boîte à lunch de fruits frais et de muffins made from scratch, comme disent les américains. Mais les sandwichs faits avec du pain maison, je continuerai, oui, à les envelopper dans une pellicule de plastique non recyclable.

Le pire, cher comité du projet « Une boîte à lunch sans déchet », j’avais justement l’intention d’acheter des contenants réutilisables pour les y mettre. Mais là, ça me le dit plus.

Je suis comme ça, moi. Quand on me fait la morale, je refuse de coopérer. C’est mon petit côté enfantin.

Cordialement,

La Mama de Victor

14 commentaires:

Annie a dit…

J'ADORE!

Tu vas référer ton école à notre blog, dis?

Déjà que la gestion des allergies alimentaires est assez complexe comme ça...

Et pis quoi si ton fils arrive full déchets, il va être recalé?

Par contre, le livre Facts not fear me laisse, hum, perplexe. Les deux états-uniens ayant des liens avec l'ultra-conservatisme-anti-avortement-pro gun-bad science...

Ton argumentaire vaut 100 fois le leur!

Joëlle Lemire a dit…

Je ne sais pas si on peut parler d'une statégie comme pour le marketing, je pense que les parents-bénévoles derrière ce travail sont probablement allumés d'une bonne intention, pour le meilleur de leurs propres enfants.

Ça fait plus d'une année que mon ainée participe à ce projet dans son école et elle en est très fière. Le matin, elle prépare sa collation et son breuvage en les mettant dans un plat/bouteille. À vrai dire, mes enfants ont toujours emballés eux-mêmes leurs collations et leurs lunchs, du moins dès la pré-maternelle.

De 2002 à 2004, mon mari et moi avons opéré un service alimentaire pour les services de garde, nous avons été témoin de l'ampleur des déchets. Chaque jour, 600 boîtes de jus, 600 emballages de yogourt ou de biscuits, qu'on multiplie par 3 pour les deux récrés et le dîner.

Le changement, ce n'est pas facile mais cette fois, justement profitons-en pour laisser nos enfants s'en occuper, ils en sont capables ;-)

Madeleine a dit…

Annie: Tu as raison, j'enlève le lien. À vrai dire, j'avais juste lu l'intro vite, vite. Pas une bonne idée de laisser un lien que je ne connais pas vraiment très bien!

Joelle: oui, je comprends tout à fait l'intention. Et oui, je crois que c'est une bonne idée de laisser les enfants faire leur lunch eux-mêmes. C'est le moralisme qui m'énerve.

Rosemarie a dit…

L'écologie, c'est l'idéologie de notre époque. Et, comme dans toute idéologie politique (car elle est politique finalement), exit les nuances, exit le sens de l'humour et hello l'utilisation des enfants pour propager cette propagande. C'est pas nouveau. L'historienne que je suis pourrait te donner une foule d'exemples semblables provenant du passé.

Il reste que je suis sensible au discours sur la surconsommation et ses méfaits environnementaux, et donc pour une modération de cette consommation. Mais, je suis comme toi: si on me fait la morale et qu'on me prend pour une personne qui ne sait pas raisonner, j'ai plus envie de jouer... Et je deviens même un peu rebelle. Que veux-tu? On est soeur ou on ne l'est pas!

Rosemarie

caitya a dit…

parles-moi en, de l'école verte Bruntland...

Ma grande et moi avons été faire un atelier sur la gastronomie et l'achat alimentaire local dans la polyvalente de la place (SA future poly en septembre, elle était cuuurieuse !)

eh bien je savais déja que la concession alimentaire achetait zéro-zéro bouffe locale, c'est du rapido-presto de gros distributeur.

Mais j'ai été estomaquée de savoir qu'ils utilisaient de la vaisselle JETABLE a la café, vu que "ca coûte trop cher madame engager des gens pour la laver".

et pis depuis que la poutine est bannie (ouaip, les michantes frites grasses) le plat populaire c'est des patates rissollées congelées, de la sauce brune pis du fromage....

dans les classes, ya aucun recyclage qui se fait, seulement des gros bacs dans les aires communes

pis vu que les étudiants laissent régulièrement leurs bouteilles (jetables, qu'ils achètent aux distributrices de l'école) dans les classes, ca fait tout ca qui remplit les poubelles.

Ouaip, c'est ben ben beau, une école 'verte' quasiment aussi beau que du 'certifié bio'...

Pour rester dans le ton de ton message, tsé des fois j'ai l'impression que les bienpensants s'adressent ainsi aux enfants pour éviter de devoir dire aux parents qu'ils les prennent pour des cons !!



mp, dégoûtée !

Annie a dit…

mp,
le fameux "ton", la morale du "publique", ça te fait pas penser au milieu de la santé ça?

Oonn.

Moi aussi me situe dans le camp des anarchos-moms!

Ni Dieu ni maître!

Et vive le Tetra-Pak comme symbole de la révolution!

Achat local 100% Québec a dit…

"et pis depuis que la poutine est bannie (ouaip, les michantes frites grasses) le plat populaire c'est des patates rissollées congelées, de la sauce brune pis du fromage...."

pouahhh... Comme quoi chassez le naturel...

Mama Zen a dit…

J'ai aussi reçu cette lettre, ma fille étant également dans une école Bruntland. Moi aussi ça m'a dérangée, parce qu'on l'a eu à la dernière minute et pour une fois il y aurait eu des déchets dans la boîte à lunch de ma fille... mauvais timing. Ici on composte, on recycle, on réutilise et autant que possible on réduit à la source (genre le suremballage). Alors, considérant tout ça, j'ai trouvé la lettre un brin dérangeante, car j'avais l'impression d'être mise dans le même panier que les gens qui sont dans le déni des problèmes environnementaux et qui surconsomment à outrance...

Je vous propose le lien d'une vidéo que j'ai vue dernièrement, c'est pas trop rassurant ce truc: http://video.google.com/videoplay?docid=-6351825321073919380&hl=en#

Madeleine a dit…

Rosie: Merci pour ton regard d'historienne. Il faudrait que tu m'en dises plus! Bientôt? En buvant un thé pendant que tu allaites?

MP: Tu vois, tu illustres bien le propos. On règle des choses en surface mais le fond reste pareil. On met des boîtes à recyclage, mais on les remplit de bouteilles d'eau vide. Avec beaucoup de cynisme, je me suis imaginée que des parents allaient acheter des pattes d'ours emballées individuellement mais qu'ils les metteraient dans un contenant réutilisable juste pour qu'on leur foute la paix... Comme dit 100% local, chassez le naturel...
Maman Zen: Je suis contente de voir que je ne suis pas la seule à avoir ressenti ça! C'est véritablement une intrusion pour moi. Devrais-je vous prouver que je vis une vie écologiquement exemplaire pour pouvoir faire les boîtes à lunchs que je veux? Et pour connaître la démarche que tu racontes sur ton blog, tu n'as de leçon à recevoir de personne!

Anonyme a dit…

Les Anarchos-Moms... C'est une trouvaille.

Okay les filles (ce mot est-il sexiste?)... Sauvez notre société en devenant des Anarchos-Moms. Peut-être il n'y a que vous entre nous et le totalitarisme intellectuel final.

Qu'on cesse de moraliser et de «religioser» tout et son contraire, sakrament! Et surtout qu'on cesse de le faire en faisant semblant que tout cela est ultra-scientifique.

On vend du Tide en faisant croire que c'est scientifiquement meilleur. Et puis on vend des tas de comportements en faisant CROIRE aux gens qu'ils ont des preuves scientifiques alors que dans les faits les gens CROIENT ce qu'on leur dit.

Moi je suis pour l'écologie de la terre (Gaia, je t'ai-ai-ai-ai-me!), mais je suis surtout pour l'écologie de l'âme: quand je crois et qu'on veut que je croie, je tiens à ce qu'on me «Nous voulons que tu crois» et surtout je tiens à ce que JE ME le dise.

Et d'employer des enfants et la culpabilité sournoise à la Staline pour faire entrer le message, cela est sérieusement malsain.

Je suis un fan fini des Anarchos-Moms.

L'Anarcho-Pop de Mado et de Rosie.

Jean-Fritte a dit…

Je ne peux m'empêcher, en lisant ce billet, de penser à ce que je qualifierais de pire moment de la télé d'information québécoise: lorsque, les Américains tout juste entrés en guerre contre l'Irak en 2003, notre très sérieux Point, qui suivait le Téléjournal de 22h, avait invité quatre enfants pour qu'ils "expliquent" au Québec entier pourquoi la guerre, ils aimaient pas.

Non seulement les enfants étaient enrôlés (...) dans une guerre purement idéologique (et non pas informative) pour renforcer les préjugés déjà bien endurcis des Québec face au sérieux et tragique sujet de la guerre, mais on prenait les téléspectateurs carrément pour des imbéciles. Je me rappelle encore, je bondissais de rage dans mon salon.

Madeleine a dit…

Vous êtes tout à fait éloquents, messieurs.

Merci beaucoup pour ces commentaires. Vous nous aidez à pousser notre réflexion encore plus loin.

Madeleine, l'anarcho-mom

Anonyme a dit…

Il y a une école Vertbrunch... près de chez moi. Une maman qui y envoie ses enfants me racontait que son fils se faisait recaler lors de l'EXAMINATION des boites à lunch (y sont pas assez stupides pour croire que les parents sont bons par nature, alors ils vérifient et sanctionnent (truc de machiavel: user de crainte pour des résultats plus efficaces. application à ce cas précis: ils font une compétition entre les classes, et les membres-examinateurs sont chargés de vérifier une à une les boites à lunch pour déterminer les gagnants et les loosers-pollueurs-sans-conscience-ni-morale)) bref, le gars, il se faisait recaler parce que sa mère mettait ses sandwiches dans des sacs de lait. La mère était outrée qu'on applique ainsi de bord en bord, de façon universelle et sans nuance, une politique du "interdit de déchet" sans voir la différence entre un sac ziploc et un sac de lait. Voyons ! "Reuse", c'est pas un des concepts fondamentaux pour préserver l'environnement? Et à cause de ce sac de lait, le fils en question se faisait pointer du doigt comme étant la cause du piètre résultat de sa classe au niveau des déchets...

Tu nous tiendras au courant de la suite : Victor se fait-il tabasser dans la cour de récré parce qu'il y a du saran wrap dans son lunch?!?

J'espère que tu as envoyé ton excellente lettre au comité pour vrai, hein? Ou en tout cas, si tu ne veux pas que ces gens se sentent attaqués directement, tu devrais la faire publier dans un journal, sans mentionner le nom de l'école que fréquente ton fils.

La maman d’Heloise

Anonyme a dit…

Voici un exemple de ce que les Anarch-Moms pourraient faire.

http://www.cyberpresse.ca/actualites/insolite/201004/26/01-4274448-des-americaines-repondent-a-un-imam-avec-leurs-seins.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B2_insolite_266_accueil_POS1

Yessss!