dimanche 9 mai 2010

Les vieilles

C'est la fête des mères.
Et moi, je pense aux vieilles, même si je voudrais penser à autre chose.

Au début du mois d'avril, Radio-Canada apprenait que des milliers de personnes âgées au Québec sont sous-alimentées lorsqu'elles arrivent en institution.

Sous-alimentées. Ici. Pas là-bas , ici chez nous.
« Ils ont pris des habitudes à la maison, un bol de céréales le soir, une rôtie parce qu'on n'a pas faim, on n'a pas les capacités physiques de préparer, on est tout seul à manger, donc, c'est plus facile de faire ça.»
- Lyne Duval, chef du service de diététique de l'Institut universitaire de
gériatrie de Montréal.

Est-ce que nous sommes surpris de voir que leur condition ne s'améliore pas une fois qu'elles quittent leur maison pour un centre ou l'hôpital? Plus de la moitié des personnes âgées qui se retrouvent à l'hôpital perdent des forces au lieu d'en gagner durant leur séjour. Dans les centres d'hébergement, entre 30 et 85 % des résidants souffrent de dénutrition.

«Au Québec, on ignore ce problème, on ne s'en occupe pas, alors ça empire»
- Denise Ouellet, professeure à l'Université Laval

Qui gueulera pour les personnes âgées mal nourries? Imaginons la crise que causerait une nouvelle à l'effet que 80% des petits dans les CPE seraient en état de dénutrition.

Pourtant. Je pleure toutes ces vieilles qui ont nourri le Québec à bout de bras. Mères de familles souvent très nombreuses qui se retrouvent aujourd'hui à se faire un bol de céréales pour souper. Je pleure tous ces pères de familles, pourvoyeurs acharnés pour faire vivre les leurs qui ne se sont jamais mis aux fourneaux.

Aujourd'hui, nourrir les miens m'occupe continuellement l'esprit. Quoi leur offrir? Comment le faire? Pourquoi le faire? Combien en faire? Ça m'habite. Ça revient trois fois par jour, sept jour par semaine, 52 semaines par année. Parfois dans l'angoisse, parfois dans l'allégresse, le plus souvent dans la quotidienneté du temps qui passe. C'est ma vie. Tout comme il y a cinquante ou soixante ans, ça été la leur.

Viendra bien un jour où ils ne seront plus quatre à ma table mais trois. Puis deux. Puis un. Puis plus personne.

Nourrir les miens ne m'occupera plus l'esprit.

Mais qui aura à l'esprit de me nourrir?

5 commentaires:

caitya a dit…

humpf

je suis aussi très sensible a cette question tu sais...

j'Ai été très touchée par ce même reportage, ou on disait qu'en insitution les menus étaient sans grans, sans sel, sans sucre, sans goût... Tout ca pour fitter dans la tendance politically correcte actuelle en matière de malbouffe. Alors que ce sont nous, les plus jeunes et plus malades qui devraient faire plus attention, ce sont eux qu'on prive de nourriture appétissante..

Tsé ma vieille Simonne, ma chère grand mère ?

Simonne a toujours été une plantureuse cuisinière, a sa table amplement de victuailles, ses placards et son congélo remplis a craquer. On sortait de table le matin, puis elle s'affairait déja a nous cuisiner le diner.

J'ai retenu ca d'elle, le gout du bon, quand ma mère me faisait du baloney sur la plaque avec des haricots en conserve, Simone mitonnait une soupe maison, une salade verte, des patates au four... Quand je rentrais tard le soir, elle me faisait du pop corn... Plein plein de merveilleux souvenirs me reviennent, en lien avec la bouffe, toujours.

J'Ai été la visiter en novembre, elle avait failli nous quitter, mon coeur a fait juste un tour, puis j'ai paqueté le char, piqué vers le Nord.
Vieille dame en fin de vie, le gros congélo avait fait place a un autre, tout mini.

Puis pour souper, on a mangé un pâté chinois... acheté tout fait chez IGA... Je lui ai apporté mes fromages, elle les a aimés et en a mangé plusieurs, au yable le cholestérol.

tk...

le jour avant son décès, sa belle fille l'a sortie a la cabanne a sucre.
Simonne, qui ne mangeait quasiment plus a pris 3 bols de soupe aux pois, des petits pains, des crèpes et une bonne vingtaine d'oreilles de crisse. Quand la belle fille lui a fait la remarque que c'était p'tètre un peu trop, elle lui a répondu : si tu me l'enlève, ben je vais aller m'en chercher d'autre !

Simonne est partie le coeur heureux, le ventre plein, la tête probablement remplie de souvenirs et de tâhce accomplie. Tâche nourricière, maternante.

Quand les petits enfants on s'est réunis pour parler d'elle et écrire un hommage, la première chose qui est ressortie c'est sa bouffe, sa table, son jardin.

c'est moi à l'église qui ai lu ce court texte. Pis la, je te jure, ma belle Nie, en parlant de bouffe dans une église, j'ai pensé a toi...

xx

mp

Anonyme a dit…

Nous vivons la situation avec ma maman qui a 89 ans et qui n'a plus le goût de cuisiner, et pourtant elle a été une grande cuisinière.

Elle a eu quatre enfants, 3 garçons et moi la p'tite dernière, elle m'appelle encore son bébé.

Il est venu le jour où il n'y avait plus personne à table avec elle. Nourrir les siens ne lui occupe plus l'esprit. Mais nous avons pris la relève, nous avons à l'esprit de lui fournir des petits plat maison.

Malgré une diminution de ses capacités physiques, elle est chanceuse de ne pas être en institution mais d'avoir son propre logement dans une résidence pour personnes âgées où elle peut aller à la salle à manger le midi avec son quadriporteur qu'elle appelle sa ''Cadillac'', et manger chez elle le matin et le soir. Le soir elle garde contact avec nous à travers les petits plats que nous lui cuisinons.

Nous lui faisons ses courses et au moins l'un d'entre nous la voit chaque semaine. On l'emmène parfois aussi le week-end à la maison. Elle dit qu'elle a de bons enfants même si parfois elle avoue s'ennuyer. Elle dit aussi s'inquièter de nous déranger, elle qui prends si peu de place.

Nous essayons de lui rendre ce qu'elle nous a transmis.

Notre essayons de transmettre ceci aussi à notre fille, Joëlle qui a 6ans (né en septembre 2003 comme Ulysse, dont Annie a sans doute vu l'échographie...). Hier nous avons concocté un spécial plusieurs ''Petits Plats maison'' pour la Fête des Mères.

Nous avons eu notre fille sur le tard (la quarantaine). Les grands-parents d'aujourd'hui sont souvent très actifs, je connais même des gens de mon âge sui sont grands-parents déjà.

Mais d'une certaine façon, nous sommes heureux que notre fille vit vraiment ce que c'est que la vraie vieillesse à travers sa grand-mère, avec ses faiblesses physiques, mais aussi une relation toute simple basée sur l'affection.

Nous sommes les modèles de nos enfants, il faut leur donner l'exemple. Il faut briser le tabous de la veillesse non seulement avec une image de grands-parents très actifs, mais aussi avec l'autre côté de la médaille, les diminutions physiques, et parfois mentales aussi. Il faut apprivoiser que l'âge amène des incapacités et que c'est malgré tout une situation très respectable.

Je peux vous fournir une vieille grand-maman si vous voulez, mais il y en a plein d'autres à visiter en institution qui sont seules sans famille pour les visiter et personne pour leur apporter de bons p'tits plats maison.


GInette Lafontaine

Joëlle Lemire a dit…

Tellement un bon sujet... j'adore votre blog Annie et Madeleine! Et j'aime lire les commentaires qui s'y collent, comme celui de Caitya aujourd'hui. L'exemple de ta grand-mère, qui semble préférer le bonheur à la longévité à tout prix, ça porte à réfléchir.

Mon mari a travaillé comme cuisinier dans un CHSLD, durant 2 ans. Chaque plat qu'il cuisinait, il espérait qu'il soit réussi et sincèrement faire plaisir aux gens qui le recevraient. Le problème est que, comme dans toute institution, la personne unique est oubliée au profit du groupe. Les cuisiniers doivent cuisiner d'une façon neutre pour plaire au plus grand nombre des bénéficiaires. Si, par exemple, toute votre vie vous avez cuisinez sans piments verts parce que vous ne les digériez pas, que vous aimiez dans vos pommes de terre garder un peu de mottons, ou que vous étiez priviligiés d'avoir des légumes fraîchement cassés du jardin, il y a de bonnes chances pour que vous perdiez intérêt à votre assiette qui se trouve devant vous! Encore un autre exemple, lorsqu'on part en voyage... qu'on est dont heureux de retrouver la bouffe de chez nous!!!

La majorité de mes voisins sont de cultures différentes, pour eux, la grand-mère, fait partie prenante de la famille, c'est elle qui apprends aux petits-enfants comment cuisiner les recettes de famille. Si elle n'habite plus sa maison, elle habite dans celle d'un ou des enfants (sédentaire ou nomade, selon). Donc, elles mangent les recettes de famille!

Je vais téléphoner ma grand-mère, qui habite en résidence, lui demander ce que elle pense de tout ça...

Annie a dit…

Je suis heureuse de trouver vos réflexions cet après-midi. Heureuse et touchée par la richesse de celles-ci.

J'aurais pu ajouter à cette entrée le sujet des popotes roulantes, qui sont à bout de souffle à ce qu'il paraît. Tenu à bout de bras par des femmes à peine plus jeunes que celles pour qui elles cuisinent...

Pourtant, quelle belle initiative la popote roulante! Livrer de la nourriture maison pour permettre à des gens âgées de bien manger et de rester chez eux aussi longtemps qu'ils le désirent.

Mais voilà. Pas assez d'argent, pas assez de bénévoles.

Le sort des vieilles, c'est comme un peu notre sort à nous au fond, non?

En même temps, je ne souhaite pas que la solution passe par le fait que je cuisine une soupe que j'aille porter au CHSLD de mon quartier. Je parle de virage social collectif. On en a fait dans notre histoire des virages importants! Tsé, peut-on un moment donné aspirer à plus de mieux et de bien? Pourquoi souvent se contenter collectivement du médiocre?

Joëlle (pas celle de Ginette ;-)), si tu parles à ta grand-mère, tu viendras nous dire ce qu'elle t'auras dit de tout ça...

Joëlle Lemire a dit…

Annie, j'ai rejoins ma grand-mère! Parle, parle, jase, jase... ton sujet a été un bon prétexte pour lui téléphoner! :-)

Elle m'a répondu que la nourriture est bonne, mais c'est pas comme chez nous. Un exemple, ils servent la viande bien cuite (demande générale) alors qu'elle, l'aime saignante. Donc, elle n'en mange pas. Précédemment, elle m'avait parlé que ces derniers tests sanguins ont confirmé un manque de fer, de l'anémie. Mais c'est pas grave qu'elle me dit, à ce qu'il parait, on leur shoote la B12 en seringue!